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Joueurs, commentateurs, analystes, tous sont présents et visibles chaque semaine ou presque dans les différentes lans à travers le monde. Mais derrière chacun de ces tournois, qui y a-t-il ? Qui sont ces hommes et femmes de l'ombre qui rendent possibles ces événements et leurs déroulements, qui proposent toujours plus de contenu, en restant derrière les projecteurs ? Que font-ils exactement ? Cette série d'interviews intitulée L'armée des ombres, en espérant que Joseph Kessel ne nous en veuille pas trop de lui emprunter le titre de son roman, vous emmène à la rencontre de quatre de ces personnages. L'esport n'est pas toujours leur gagne-pain, et c'est avant tout animés d'une sincère et profonde passion qu'ils font ça. Car si la scène vit, c'est aussi grâce à eux.
Dans le milieu des lans depuis plus de 15 ans, vous l'avez peut-être déjà aperçu s'il vous est arrivé d'aller voir l'ESWC. Jonathan "lepolac" Skrzypek, référence du tournoi parisien mais qui a aussi appliqué ses compétences un peu partout dans le monde, est ce qu'on appelle dans le jargon un admin. Vous l'aurez compris, rencontre avec un administrateur.
Salut lepolac, peux-tu te présenter et nous dire ton rôle dans le monde des lans de Counter-Strike ? Bonjour, je m'appelle Jonathan, je suis informaticien à Londres et j'ai administré un certain nombre de tournois CS ces 15 dernières années. J'ai commencé à organiser des lans en 2001, j'ai rejoint l'association ping en tant que vice-président en 2004. J'ai co-fondé les Masters Français du Jeu Vidéo en 2009 puis géré le pôle compétition jusqu'en 2012. J'ai occupé des postes assez variés en évènement, mais CS a toujours été une de mes spécialités. J'ai participé à mon premier ESWC en 2005 en tant que spectateur, puis en tant qu'arbitre CS pour la première fois en 2006. Je ne saurais pas dire comment j'en suis arrivé à être head-admin, une année, 2011 je crois, l'équipe d'Oxent a décidé de me faire confiance. En tant que head-admin, quelle est la taille de ton équipe ? Comment vous organisez-vous, est-ce que chacun est affecté à une tâche et tu supervises le tout ?Cela dépend de la taille du tournoi. On essaie toujours d'avoir une personne par match. Le planning dicte le nombre de matchs simultanés et donc le nombre d'admins dont on a besoin. J'ai eu des petites équipes de 5 ou 6 personnes, jusqu'à 50 personnes sur 8 jeux différents pendant les finales Masters. J'essaie de déléguer mais ce n'est pas toujours évident, j'ai parfois du mal à lâcher prise. Il y a pas mal de roulement en fonction des disponibilités et des envies de chacun, mais certaines personnes reviennent chaque année et c'est essentiel. J'ai un co-admin avec qui je travaille depuis des années à qui je fais confiance les yeux fermés. Gérer un tournoi est un travail d'équipe, je ne pourrais rien faire tout seul.
Abordons un peu le vif du sujet et ce rôle d'admin. Quel est ton programme, depuis la préparation pré-événement jusqu'au tournoi en lui-même ? Pré-évènement en général le focus se fait sur les règlements, les plannings, le seeding, et enfin quelques préparations techniques. Une fois que tout est lancé je fais les 400 pas dans la zone, je vais de match en match pour voir comment ça se passe, je m'occupe de suivre les scores de manière générale, de régler les soucis qu'il peut y avoir au niveau serveur ou GOTV, communiquer parfois avec des casters sur place ou à distance, anticiper les allées et venues avec les matchs sur scène. Sur un gros tournoi, il n'y a que très peu de moments où je me sens tranquille à vrai dire, j'ai toujours l'heure en tête, c'est une course contre la montre. Même quand ça se passe bien je suis toujours en train de penser aux scénarios catastrophes. La clé c'est d'accepter que quoi qu'on fasse, il y aura des problèmes qui vont se présenter. Dès qu'un problème survient j'essaie toujours de l'évaluer selon 3 critères : ampleur du problème (isolé ou touchant plusieurs matchs), impact sur le planning, impact réputationnel. En fonction je priorise et passe en mode panique intégrale si besoin :) On peut ensuite distinguer deux catégories de problème : technique ou humain. Au final, on arrive toujours à tomber sur des problèmes qu'on n'a pas rencontré avant, mais essayer d'appliquer la même méthode le plus possible aide je pense. Les joueurs sont beaucoup plus faciles à gérer qu'avant, ils s'installent plus rapidement, ont plus l'habitude des scènes et des contraintes liées à la production d'un show, et ont tendance à être moins contestataires dans l'ensemble, même si parfois plus exigeants (ce qui est tout à fait normal).
En 2015, l'ESWC s'est délocalisé à Montréal, un choix qui a beaucoup fait parler. De ton point de vue, comment s'est passé ce changement ? A-t-il influencé ta manière de faire, ton organisation, par rapport à une édition parisienne "classique" ? Organiser un évènement à l'étranger n'est pas facile, il faut faire appel à des partenaires locaux et tout n'est pas forcément sous notre contrôle et il faut du coup s'adapter. Il est parfois difficile de se faire entendre car chacun a sa propre expérience et aussi sa façon de fonctionner. Tu es un fidèle de l'ESWC. As-tu déjà été contacté par d'autres organisateurs pour gérer d'autres compétitions ? Toi-même, n'as-tu jamais eu envie d'aller voir ailleurs ? J'ai travaillé pour les WCG par le passé. Mais l'ESWC a dû secrètement me jeter un sort puisque les autres évènements internationaux sur lesquels j'ai travaillé en France ont tous été annulés (GeeX, Red Dot...). J'ai déjà été contacté par d'autres organisateurs, mais je ne dispose que de très peu de jours de congé, et mon travail est très prenant, donc je ne cours pas après les tournois. Des fois ça me démange vraiment de travailler sur d'autres évènements, mais la réalité me rattrape vite. Si je voulais contribuer plus, il me faudrait passer à plein temps et aller de tournoi en tournoi comme le font certains. Il y a eu des moments très durs, un parc de PC entier qui ne marche pas moins d'une heure avant le début d'un tournoi, des coupures internet, des DDoS, des mises à jour Valve foireuses. Je crois que le plus dur, c'est de réussir à surmonter une série de problèmes, et juste au moment ou on commence enfin à sortir la tête de l'eau, voir débarquer une deuxième vague de problèmes. Au final, ça se joue vraiment au mental, la clé est de ne pas craquer, de traiter les problèmes un par un, et de se dire qu'on s'en sortira toujours. L'ESWC 2006, au Palais omnisports de Paris-Bercy Quel a été l'évolution de ton statut ? Bénévole, salarié, a-t-il changé au fil du temps, avec l'esport qui grossit de plus en plus ? J'ai commencé en tant que bénévole, et je suis maintenant freelance. C'est une très bonne question, honnêtement j'hésite encore. Tout le monde aime la reconnaissance et a un certain égo, mais d'un côté moins on est connu plus on est tranquille. |
Un grand merci à lepolac pour l'interview et à Elnum pour la bannière
Crédit photo : ESWC
Vous pouvez retrouver les autres interviews de la série : l'observer - l'organisateur - la photographe
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