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NBK et la CSPPA, le grand entretien (3/3)

Page 1: Version française

On arrive au bout de ce grand entretien avec Nathan "NBK" Schmitt sur la CSPPA ! Dans cette dernière partie, on aborde des sujets chauds : transferts louches, rôle ambigu de l'Association, conflits d'intérêts des joueurs, ranking loufoque, rien n'a été oublié pour couvrir les affaires récentes de la CSPPA.

Vous pouvez retrouver la première partie de l'interview ici et la seconde ici.

Au mois d'août 2020, la CSPPA a sorti un classement international qui a défrayé la chronique. L’objectif originel était de proposer une alternative au classement HLTV, en élaborant une formule qui ne mettait pas autant l’emphase sur la répétition des tournois dans une optique de préservation de la santé des joueurs. Une intention louable gâchée par une exécution étrange, propulsant nos amis de MIBR au 8ème rang mondial, eux qui ne parvenaient même pas à gagner un bo3 contre le subtop européen dans des coupes en ligne.

lurppis, ancien joueur d’1.6 et haut placé chez Immortals, s’est même amusé à montrer les défauts criants du classement, prouvant qu’un tournoi à 4 participants avec un fort cashprize pouvait rapporter plus de points qu’un tournoi avec les 16 meilleures équipes du monde. C’est ainsi que Flashpoint, avec son énorme cashprize et son niveau plus que discutable, fut une des compétitions rapportant le plus de points auprès de la CSPPA.

Vous avez sorti un classement, très critiqué au moment de la publication. Est-ce que tu peux nous expliquer la démarche et le rôle des joueurs dans son élaboration ?

On savait qu’on devait bosser sur ce classement depuis pas mal de temps. On avait commencé petit à petit. Malheureusement, je ne vais pas vraiment pouvoir en dire plus, parce que la période où ça s’est vraiment mis en route, c’est le moment où j’étais absent de la CSPPA, aux alentours d’avril, mai et juin, pour des raisons personnelles. J’étais tenu au courant mais j’étais très peu actif. Donc je n’ai eu quasiment aucune influence sur la création et l’élaboration du classement.

Ce que je sais, c’est qu’il y a évidemment d’énormes améliorations à faire, comme tout le monde a pu le voir. C’est quelque chose de dynamique, sur laquelle on va continuer à travailler. Je crois qu’on va s’associer à une entité pour aider à faire un meilleur classement, ce n’est pas un truc qui est terminé, on n’est pas passé à autre chose.

Donc ce sont vraiment les joueurs qui sont à l’origine du classement ?

Ils ont eu une influence sur ce qui devait être évalué et mis en avant. Comme je te disais, je ne sais pas exactement quels sont les points qui ont été mis en avant, j’ai suivi de très loin, donc je ne peux pas t’en dire plus.

Au coeur de l'été, un scandale sans précédent a éclaboussé l'Association, suite au transfert raté des joueurs d'Heroic vers FunPlus Phoenix (FPX). Flashpoint, dont FPX est une des propriétaires, incriminait alors la CSPPA pour avoir outrepassé ses prérogatives d’association et avoir joué un rôle actif d’agent dans le transfert d’es3tag (alors chez Heroic) vers Astralis, cause de l’annulation du transfert du reste de l'équipe vers FPX. On aurait pu en rester là si HLTV n’avait pas lancé la 2ème lame, moins d’une semaine plus tard, apportant la preuve que la CSPPA agissait bien comme une agence de joueur, au grand dam des structures.

En effet, HLTV a obtenu la confirmation que plusieurs personnes haut placées dans la CSPPA avaient été commissionnées pour agir en tant qu’agent auprès de joueurs professionnels lors de transferts. De même, le site a révélé que c’est bien cette conduite qui avait, entre autres, mené au départ d’es3tag vers Astralis, privant FPX de sa nouvelle formation et la forçant à se rabattre sur les Américains de Bad News Bears pour jouer la ligue Flashpoint.

Pis encore, la CSPPA aurait eu cette attitude de façon répétée, s'immisçant dans les transferts et allant jusqu’à démarcher directement certains joueurs pour leur proposer des changements d’équipe. Ainsi, Nicolas Maurer, de chez Vitality, avait été parmi les plus vocaux pour dénoncer la possibilité d’un conflit d’intérêts pour une organisation qui se veut à la fois association de joueurs et agence de talents. Une pratique problématique qui avait alors poussé les structures concernées à la signaler à ESL et à mettre en balance leur signature des accords avec la CSPPA pour que soient réglés ces problèmes.

Cette façon de faire louche passait, semble-t-il, par l’entremise de la Danish Elite Athletes Association (DEAA), qui ne représentait officiellement que les membres d’Astralis, mais qui profitait de ses entrées dans la CSPPA pour acquérir de nouveaux talents et prendre de potentielles commissions sur des transferts qu’elle aurait organisés. Au coeur de ce système, on retrouve Mads Øland, ancien joueur de football et ex-président du syndicat des joueurs danois, qui faisait le pont entre la CSPPA et la DEAA.

Il aurait désormais rompu tout lien avec la DEAA, tout en conservant son poste de PDG de la CSPPA. L'association a reconnu avoir appliqué ces pratiques et a annoncé avoir mis fin à son rôle d'agence.

Parlons de ce qui est probablement le plus gros scandale ayant touché la CSPPA et qui s’est déroulé durant l’été. HLTV a sorti un article accusant la CSPPA d’avoir brouillé les cartes dans son rôle entre l’association de joueurs et l’agence de joueurs, et son rôle dans le transfert avorté des Heroic vers FPX. La CSPPA a d’abord nié, puis a reconnu et annoncé cesser cette activité d’agence.

Première question, est-ce que le Conseil des Joueurs était au courant de tout ça ?

(Il réfléchit) Je ne crois pas qu’on était au courant, parce qu’on en a pas mal discuté après que l’affaire soit sortie. Ils nous ont expliqué ce qui s’est passé en détail, parce que le transfert d’une structure à une autre s’est d’abord déroulé de façon discrète. Dans les faits, c’était un vrai enfer pour les joueurs d’Heroic et c’est la raison principale pour laquelle la CSPPA a influé sur ce transfert. Je pense que Mads et Michael pourraient répondre beaucoup mieux que moi sur le sujet.

Le problème, c’est qu’ils ne veulent pas répondre !

En gros, il y a eu une pression énorme mise sur des joueurs qui n’ont pas l’expérience de prendre des décisions de changements de structure, de signer certains contrats dans des délais de 24h. On leur a avancé des conditions abusives, en leur disant qu’ils allaient voyager en Amérique en plein COVID, sans savoir s'ils allaient jouer, ou dans quelle structure. Je pense que moi, je l’aurais vécu plus facilement et j'aurais pu dire à tout le monde d’aller se faire foutre, parce que les conditions étaient inacceptables.

Mais ces joueurs étaient des mecs du T2, ils n’avaient pas forcément les bons agents, la bonne représentation, et ils étaient dans une position très difficile, ils ne savaient pas où aller chercher de l’aide : ils ne pouvaient pas demander à la structure qui les dégageait, ils avaient du mal à communiquer avec leur future structure et ils n'avaient pas d’agent.

Donc les joueurs, ils sont traités comme de la merde, ils sont pris entre deux feux alors qu’ils sont en train de voyager pour un tournoi, prévoyant de rester plus d’un mois en Amérique.

Donc eux se sont dit qu’ils allaient demander l’aide de la CSPPA. C’est comme ça que tout a commencé, ils sont venus demander l’aide de l’Association parce qu’ils n'avaient personne d’autre vers qui se tourner. L’erreur qu’il y a eu, à mon avis, sans connaitre tous les détails, c’est si la CSPPA a directement négocié avec des structures. Ça n’aurait pas dû arriver, c’est quelque chose qui doit être fait entre les agents et les structures, ou les joueurs et les structures.

Je pense que tu peux donner des idées, des éventails de salaires équitables, de la donnée qui devrait être publique, c’est correct. S’ils ont négocié directement avec les structures, ce n’était pas dans l’idée d’être des enfoirés, mais plutôt de défendre les joueurs qui ne savaient pas quoi faire. Je ne dis pas ça pour défendre leur action, parce qu’ils n’auraient pas dû faire ça, ils auraient dû rediriger les joueurs vers des vrais agents avec qui ils auraient pu signer.

Je comprends que ça ait fait scandale et que le sujet soit sorti, mais à la base c’était vraiment un groupe de joueurs qui était dans une mauvaise situation et qu’il fallait aider.

Ça c’est pour l'affaire Heroic, mais l’article de HLTV expliquait que c’était une pratique qui ne se limitait pas à ce cas-là. Il y avait aussi des citations, notamment de Nicolas Maurer de chez Vitality, expliquant que la CSPPA était venue démarcher certains de ses joueurs pour des transferts. On est plus seulement sur une dérive d’une aide trop présente pour les joueurs, mais dans le domaine de l’agence de joueurs.

Honnêtement, je n’en ai aucune idée, je n’ai pas été mis au courant, ça n’a pas été discuté avec moi.

Mais qu’est ce que ça dit sur le fonctionnement de l’Association, qu’il puisse se passer des choses comme ça sans que les joueurs ne soient mis au courant ?

Si mes supérieurs dans l’Association font ça et que je ne suis pas au courant, c’est logique que je ne puisse pas être au courant. Clairement, c’est quelque chose qu’ils ont arrêté. Je crois que c’est Michael qui était agent avant, ou qui faisait les deux choses en même temps à un certain moment, notamment parce que la CSPPA ne faisait pas d’argent. Or il fallait bien qu’il gagne sa vie, même si je suis d’accord que c’est bizarre.

Ça fait quelque temps qu’à la CSPPA, Michael et Mads ont un salaire, et donc, pour moi, à partir de ce moment-là, toutes les activités annexes étaient terminées. C’est ce que je savais, ce que je voyais. Mais il ne faut surtout pas que la CSPPA se retrouve à nouveau liée à ce genre d’affaires, parce que dans ce cas il faudrait remplacer les 2 personnes.

C’est quelque chose qui n’a pas lieu d’être dans une association de joueurs, ce n’est pas le but et ça créerait un conflit grave si ça recommençait. Surtout que, maintenant, l’Association est établie et qu’ils sont payés.

Ces dernières semaines ont été marquées par l’un des dramas les plus importants de l’histoire de notre jeu chéri, l’histoire des coachs bannis pour avoir cheaté à l’aide d’un bug. Parmi eux, on retrouve dead, désormais ex-coach de l’équipe brésilienne MIBR. Alors que l’accusation vis-à-vis de ce dernier ne portait initialement que sur un round, lors d’une carte, il a en fait utilisé à quatre reprises avec MIBR, et notamment lors de l'ESL One Road to Rio, pendant un match contre Yeah Gaming, lui valant un ban de 6 mois et demi.

En plus de l’immédiate gravité du comportement, il convient de rappeler que Yeah Gaming est une formation possédée en partie par TACO, alors joueur de MIBR, et ce même dead, coach décidément pas très net. À la triche vient donc s’ajouter un conflit d’intérêts évident auquel la CSPPA ne peut échapper, celui où le coach d’une équipe triche contre une autre équipe qu’il co-détient avec un joueur membre du bureau de la CSPPA, lui-même présent sur le serveur, le tout lors d’une qualification au Major.

Parlons un peu d’un autre type de conflits d’intérêts, avec la question des joueurs propriétaires des équipes. Souvent, les communiqués de la CSPPA répètent l’importance du maintien de l’intégrité de la compétition.

Pourtant, il y a la situation de TACO, figure bien connue de la scène, qui est propriétaire  d’une équipe contre laquelle il a joué lors des qualifications du Major. On sait que Valve avait notamment détruit les projets d’équipe Academy en partie pour cette raison il y a quelques années.

Là, on a un joueur qui est membre du Conseil des Joueurs et qui est dans cette situation. Comment l’association se positionne par rapport à ça ? Comment cette situation peut perdurer ? N’y a-t-il pas une contradiction avec la position officielle de la CSPPA ?

(Il réfléchit). L’idéal, ce serait évidemment que ce genre de matchs n’arrive pas, ce serait la solution la plus simple.

Le problème c’est que CS, c’est un peu le Far West, chacun fait ce qu’il veut. Dans un sport traditionnel avec des cadres établis, tu ne vas pas avoir un joueur de Manchester City qui va posséder des parts au PSG. Et il n’y aurait même pas d’intérêt à le faire, dans le sens où la majorité des joueurs capables de faire ça ont en fait un avenir assez bien tracé, ils ne sont pas obligés de créer des entreprises et de diversifier leurs investissements.

Les Brésiliens qui ont créé Yeah Gaming avec FalleN, dead et compagnie, je pense que c’était une manière d’investir dans leur avenir.

Qu’est-ce que la CSPPA aurait dû faire vis-à-vis de ça ? Je pense que la réponse originelle de Valve est juste. C’est compliqué de voir un joueur propriétaire d’une structure jouer contre cette même structure. Ce n'est pas une question facile, et je n’ai pas de réponse parfaite.

De manière générale, ce n’est pas quelque chose qui devrait arriver, ça c’est sûr. C’est une discussion qu’on devrait avoir en interne, est-ce qu’on devrait continuer à travailler avec TACO, qui est un membre important de la CSPPA ? Est-ce qu’on devrait lui mettre un ultimatum pour qu’il vende ses parts chez Yeah pour continuer à rester ?

Ce n’est pas une discussion que vous avez donc eue ?

Non, mais c’est une discussion qu’on devrait avoir. Et pour moi, ça va au-delà de l’association de joueurs. Est-ce que la communauté, les joueurs, devraient accepter qu’un joueur actif ait des parts dans une autre structure, majoritaire ou minoritaire ? Je pense que c’est là que Valve a voulu intervenir en tant qu’autorité suprême, eux peuvent imposer immédiatement l’arrêt de tout ça.

La seule chose que la CSPPA peut faire, ce n'est pas vraiment régler le problème de fond, mais c'est dire à TACO que tant qu’il a des parts chez Yeah, il ne peut pas faire partie de la CSPPA. Et pour lui, je pense que ça sera plus important de garder des parts dans ses investissements que de faire partie de la CSPPA. Mais je pense qu’on doit avoir cette discussion à la CSPPA, je sais qu’on a déjà discuté d’avoir un débat sur le multi-ownership, mais que d'autres sujets sont venus occuper notre agenda entre temps.

Mais pour moi, c’est Valve qui doit mettre le ola là-dessus activement. Ce qui est problématique avec cette question, c’est que ça crée un doute sur l’intégrité de ces matchs, sans qu’on sache de façon certaine si une équipe s’est couchée ou non.

Tu disais que CS, c’était le Far West, notamment d’un point de vue légal. On sait par exemple qu’en France, le statut d’autoentrepreneur est très utilisé, avec des joueurs qui déménagent pour payer moins d’impôts, etc.

Vu de l’extérieur, on a l’impression que les situations proposées aux joueurs pour optimiser leurs revenus et leurs salaires à court terme, nuisent à long terme à l’action de représentation et de défense des intérêts des joueurs.

Le fait qu’il y ait une myriade de systèmes juridiques où tout le monde est indépendant, ça prévient l’émergence d’une voix unie et éventuellement de règles générales applicables à l’ensemble de l’écosystème. Quelle est ton opinion sur cet aspect de l’organisation de la scène et l’impact que ça peut avoir sur votre action en tant qu’association ?

C’est une question qui en appelle beaucoup d’autres. On a énormément de joueurs qui viennent de partout dans le monde, on n’est pas dans la situation des LCS ou des LEC où tout est concentré dans le même pays, ce qui simplifie tout : un seul cadre légal, une équipe juridique spécialisée et tout roule. Donc, clairement, ça ne nous aide pas dans notre action. Après, il y a quand même une base commune dans la majorité des pays, où les textes juridiques sont globalement dans la même veine.

Ce qu’il faut savoir, c’est que la CSPPA n’a pas encore eu à engager d’actions légales jusqu’à présent, à part peut être avec une entité, je ne suis pas sûr. Lorsqu’un joueur se fait arnaquer sur un cashprize, si une structure refuse de verser ce qu’elle doit à ses joueurs, la CSPPA va d’abord s’adresser directement au tournoi, ou à l’équipe, pour faire pression.

Ça évite aux joueurs d’avoir à le faire et de mettre en danger leur avenir. La seule manière de faire pour un joueur isolé, ce serait d’aller en justice, mais ils n’ont pas forcément envie de se lancer là-dedans, ils n'ont pas forcément les ressources. La CSPPA est beaucoup mieux armée pour ça.

De même, si un tournoi perd toute sa crédibilité dans des affaires louches et propose, d’un coup, une énorme compétition avec 500k de cashprize, la CSPPA va refuser de donner son accord et fortement déconseiller aux équipes et joueurs d’aller vers eux. Le fait qu’on soit une association reconnue et qu’on ait cette capacité de pression, ça peut régler beaucoup de problèmes dans la scène. Notamment parce que nombre de ces problèmes ne méritent pas d’aller jusqu’en justice.

Pour ce qui est d’aider les joueurs dans chaque pays avec des législations différentes, l’association prend contact avec des personnes sur place qui peuvent nous assister pour régler les problèmes. On n'aura jamais d’écosystème fermé, sauf si Valve en décide autrement. Donc on n'aura jamais les mêmes règles, avec un cadre unifié. La CSPPA fait de son mieux pour que tout le monde s’y retrouve, pour qu’on puisse aider un maximum de monde et régler un maximum de problèmes entre joueurs, structures et organisateurs.

Alors, quel avenir pour l'Association ? Engluée dans des scandales à répétition cet été, critiquée de toute part pour son inefficacité, le futur semble sombre. Parmi les pistes d'améliorations discutées avec NBK, on retrouve une meilleure communication avec les membres et le public, le règlement de la question du planning et une amélioration de la structure interne.

Pour conclure, des questions plus légères. Quels sont les objectifs à court, moyen et long terme de l’Association ? Quels sont les projets actuels et sur quoi aimerais-tu pouvoir travailler rapidement ?

Sur les deux dernières années, on a beaucoup travaillé sur tout ce qui est législation, nouvelles ligues, accroître le nombre de joueurs représentés. Je crois qu’on est actuellement entre 300 et 400 joueurs inscrits. On a vraiment essayé de tout mettre en conformité avec la loi.

Maintenant, notre focus va être d’accroitre l’implication des joueurs dans l’Association, en essayant de présenter des actions plus concrètes. On veut aussi restructurer légèrement notre fonctionnement pour prioriser les personnes les plus actives. On va aussi recontacter tous les joueurs, surtout ceux qui sont concernés par ESL, Flashpoint et BLAST. On veut vraiment avoir leur soutien pour engager des actions dans l’avenir, pour maximiser l’impact de nos décisions.

En faisant ça, on veut se positionner comme acteur au même niveau que les organisateurs et les structures, notamment pour mieux comprendre la dimension financière de l’écosystème actuel et les impacts de la crise du COVID. On veut participer à un meilleur équilibre dans la prise de décision, pour que tout ne se fasse pas uniquement entre organisateurs et clubs.

Plus concrètement, on veut absolument régler le problème du planning. On est déjà en discussions bien avancées sur ce plan, il nous faut le soutien de tous les joueurs impliqués. À l’heure actuelle, c’est le point central qu’on essaye de régler, parce que ça touche la santé des joueurs mais aussi l’ensemble des acteurs de la scène.

De manière générale, je pense que la CSPPA est une entité très dynamique : dès qu’on reçoit un problème, on en discute et on essaye de voir comment on peut influencer. Mais on ne peut pas tout faire, faire ce qu’on veut, on n’est qu’une partie du système. On veut juste une place à la table pour que les joueurs soient correctement représentés.

Tu parlais de remanier éventuellement le Conseil des Joueurs. Techniquement, comment ça se passe ? Vous proposez un nouveau joueur, est-ce qu’il y a un vote des adhérents ?

Moi, j’aimerais avoir un vote de tout le monde. Dans un premier temps, il faut identifier les personnes intéressées pour s’investir. Il faut des joueurs capables d’être actifs, qui aient une vraie connaissance de la scène, ça ne peut pas être un ZywOo qui est là depuis un an et demi par exemple. Il peut se proposer, mais il ne serait pas un candidat idéal pour le rôle.

Ce qui est sûr, c’est que les idées de tout le monde sont écoutées. Est-ce qu’on peut toutes les appliquer ? Pas forcément, car il y a beaucoup de problématiques en jeu, et les solutions ne sont pas toujours simples. J’aimerais avoir un vote collectif, pour décider si les personnes en place doivent garder leur poste, si certaines personnes doivent rejoindre le Conseil des Joueurs, etc.

De toute façon, les personnes actives, motivées, se dégagent assez naturellement. Elles vont déjà être en contact avec nous, avec Mads et Michael, et essayer d’avoir de l’impact pour que les choses changent. C’est comme ça qu’on a intégré le nouveau membre du Conseil des Joueurs : c’est quelqu’un qui était très actif, en contact direct avec Mads, et ce dernier nous a proposé de l’intégrer au board.

À l’unanimité, on était d’accord, parce qu’on est toujours en faveur que des personnes qui connaissent bien la scène nous rejoignent, pour avoir plus d’idées et de force dans nos propositions. On ne cherche pas à faire quelque chose d’élitiste, on ne gagne rien à être dans le Conseil des Joueurs, si ce n’est se faire cracher dessus par la communauté, alors qu’on veut juste aider les joueurs au maximum.

Dernière question : demain, tu as une baguette magique, avec un pouvoir décisionnel et des fonds illimités, ce serait quoi ton rêve pour la CSPPA, vers où aimerais-tu l’amener ?

Je pense qu’il faudrait avoir cette icône qui représenterait la CSPPA, quelqu’un de très respecté. Ça permettrait de donner une meilleure opinion de ce qu’on fait, ce qui est important parce qu’on essaye de faire quelque chose de bien, on n’est pas là pour être des méchants. Donc avoir ce premier représentant qui pourrait porter notre parole.

Avoir une meilleure structure interne, pour que les gens ne se disent pas « c’est un groupe de 5 personnes qui prennent les décisions ». Je n'ai pas de détails, mais j’aimerais quelque chose d’encore plus cadré, établi, avec des personnes respectées à tous les postes.

Est-ce que vous avez essayé de vous inspirer des structures organisationnelles de syndicats classiques, avec des assemblées générales, qui permettent d’avoir une communication avec la base ?

On a essayé de le faire, notamment en lan. On a invité tous les membres de la CSPPA, on a réservé une salle de conférence dans un hôtel et on leur a proposé d’assister à une assemblée générale pour savoir ce que faisait la CSPPA.

Déjà, il y avait des managers et des coachs qui sont venus, alors que ce n’était pas leur place. Les journalistes aussi voulaient venir, et pareil, ce n’était pas forcément leur place. Donc c’était un peu bordélique. Ces personnes ne restaient pas, parce qu’on leur demandait poliment de partir, vu qu’elles n’étaient pas concernées.

Mais surtout, il y a beaucoup de joueurs qui s’en foutent tout simplement. Si 80 % de ta scène s’en fout, tu peux faire autant d’AG que tu veux, tu perds ton temps. Tu ne peux pas forcer tout le monde à écouter, même s’ils sont dans la pièce. Ce qu’il faut, c’est trouver les acteurs qui ont à cœur de faire les choses bien pour les joueurs, la scène et l’écosystème.

Il faut être acteur avec eux, avoir aussi les soutiens de structures influentes intéressées et qui subissent les mêmes problèmes. Alors forcément, ça donne un sentiment d’élitisme, vu que la scène est structurée par ESL, BLAST et Flashpoint, et que seul un cercle limité d’équipes participe à ces ligues. Et même dans les meilleures équipes, pas grand monde n’est intéressé par les problèmes structurels, c’est très compliqué à gérer.

On cherche toujours les bonnes personnes, et il y a toujours un joueur sur Twitter qui va dire « moi je n’ai pas été consulté », on a envie de lui dire « si t’étais un peu plus actif, si tu te renseignais, si tu lisais ce qui se dit sur les groupes WhatsApp, tu serais plus au courant ».

On peut remettre pas mal de choses sur le dos de la CSPPA, mais il y a beaucoup de joueurs qui pourraient plus s’impliquer et s’intéresser.

Un dernier commentaire ?

On fait du mieux qu’on peut ! (rires) Non vraiment, on est là pour essayer de faire les choses au mieux. On n'est pas là pour basher tel ou tel organisateur, ou telle ou telle structure. On est là parce qu’on ne veut pas se faire baiser par les grosses entités autour de nous qui ont plus de pouvoir, plus d’influence, plus de ressources. La seule manière de faire, c’est d’être unis et on fait du mieux qu’on peut.

Plus généralement, je pense que tout le monde a envie de faire entendre la voix des joueurs et que l’écosystème soit plus équilibré. Mais la manière d’y arriver est beaucoup plus compliquée que ça. Lorsque je lis qu'on devrait refuser de jouer les tournois, on ne peut pas faire ça, ce n’est pas envisageable si tu veux construire quelque chose avec les organisateurs, tu ne peux pas être dans la confrontation constante. C’est tellement compliqué que c’est très facile d’aller sur Reddit, sur Twitter et dire « la CSPPA ils comprennent rien, ils ne prennent pas de mesures ». 

Ne serait-ce que la multitude d’acteurs qu’il y a : lorsque tu passes un accord avec un acteur, il faut passer un accord équivalent, équitable, avec les autres acteurs, pour que tout le monde soit bien traité, sinon ils ne voudront plus parler avec nous. T’as un million de pièces qui entrent en jeu dans l’équation et, en plus de ça, on a tous nos carrières, on a nos équipes, on doit être performants dans le jeu alors qu’on subit les formats des tournois.

Tout ça s’ajoute, et c’est très compliqué. La seule manière pour que les choses s’améliorent concrètement sur ce front, c’est qu’un ancien joueur, une figure de la scène, prenne la main sur la communication.

Mais même moi, si demain j’arrête de jouer, est-ce que j’aurais vraiment envie de faire ça ? Ça implique beaucoup de travail, tu vas continuer à t’en prendre plein la gueule par le public et au final, qu’est-ce que tu vas y gagner en faisant ça à plein temps ? Est-ce que c’est un bon projet de vie que de se dire « je vais travailler non-stop, avec très peu de reconnaissance, y compris de mes pairs » ?

C’est un boulot très lourd pour régler une scène complexe. Une personne qui ferait ça dans un cadre comme les LEC, ça me paraît beaucoup plus simple, tout le monde est au même endroit, le produit est déjà correct. Là, on parle de deux ligues européennes, une ligue américaine, des joueurs de 15 à 20 pays, c’est extrêmement compliqué. Je pense que les gens ne se rendent vraiment pas compte à quel point c’est difficile de faire quelque chose sur une scène aussi ouverte.  

Un grand merci à NBK pour avoir répondu à toutes nos questions, à LaTarTiNe, MilkaFun, Dorian et MiKY pour la relecture, ainsi qu'à Elnum pour la création des bannières de l'article.

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