Il y a bientôt trois semaines, un jour de finale de Major pour Vitality, quelques dizaines de minutes avant de participer à un showmatch aux côtés d'anciens partenaires, Alexandre "bodyy" Pianaro nous a accordé un entretien qui nous tenait grandement à coeur afin de revenir sur sa carrière, de G2 Esports à Falcons, avec comme axe principal la gestion du mental, de ses émotions et d'un burnout qui l'a amené à s'ouvrir une première fois à la communauté au travers d'un Twitlonger publié fin décembre 2022.
Afin de répondre aux préférences d'un maximum de nos lecteurs ou visiteurs, et ainsi favoriser l'accès à une interview dont le sujet nous paraît important, nous avons opté pour une publication sous différentes formes : écrite via l'article que vous êtes en train de débuter, vidéo via notre chaîne YouTube ou encore podcast grâce à la plateforme SoundCloud.
Pour revenir à cet entretien de près de 45 minutes, débutons par un inévitable sommaire afin de mieux situer la période et le contexte des différentes parties abordées, débutant en 2016 avec l'arrivée de bodyy chez G2 Esports et se terminant aujourd'hui, avec l'aventure internationale qui se profile pour Falcons.
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I. Partager son expérience.
C'est au travers de l'expérience publiée par bodyy dans son Twitlonger qu'est né, chez nous, ce désir de pouvoir échanger et partager autour de ce sujet si important qu'est la gestion mentale dans l'esport, à haut niveau, et finalement dans la vie de tous les jours.
Profitant d'une envie commune avec bodyy d'ouvrir la parole sur ce sujet, nous avons mis quelques semaines à trouver le moment propice pour que ce tête-à-tête ait lieu. Ne pouvant se faire à Copenhague durant le RMR, c'est finalement le BLAST Paris Major qui nous a offert une bulle d'une heure, au calme, pour poser les mots sur cet apprentissage.
Déjà, je te remercie énormément d'être là, et la première question que je voulais te poser, c'est : qu'est-ce que ça représente pour toi de partager autour de ce sujet aujourd'hui ? C'est super important pour moi, déjà, de m'ouvrir un peu à la communauté, de faire part un peu des inside ou des choses que les joueurs ressentent. Parce que, au final, ce qu'on voit, c'est évidemment les réseaux sociaux et la façade, un peu la vitrine qu'on vous montre, et il n'y a rien qui se brise derrière. Enfin c'est une vitre teintée quoi, vous ne voyez rien derrière. Pour moi, c'est important aussi de mettre la lumière sur ce qu'on ressent en dehors du jeu, même avec toute cette pression et tout l'enjeu qu'il y a derrière Counter-Strike. |
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II. G2 Esports, la découverte du haut niveau.
À l'époque âgé de 19 ans, en 2016, bodyy évolue encore chez LDLC White au milieu du subtop français et européen. C'est alors qu'il fait le grand bond, en avril, recruté par G2 Esports pour prendre la place d'Ex6TenZ et évoluer aux côtés de légendes francophones : shox, SmithZz, RpK et ScreaM.
C'est avec eux qu'il découvrira ses premiers évènements internationaux, avec la DreamHack Masters Malmö, d'abord, puis l'ESL One Cologne, son premier Major, remportant entre temps la première saison des ECS face à Luminosity. Avec eux, aussi, qu'il goûtera aux changements de joueurs, étant convié à faire partie de la superteam et ses énormes attentes, avant de voir le cinq cesser d'évoluer ensemble jusqu'à ce que, finalement, bodyy soit à son tour remercié début 2019, connaissant un premier coup d'arrêt dans sa carrière à haut niveau, moment sur lequel il insiste justement dans son Twitlonger.
On va repartir en arrière pour remonter le fil de ta carrière. Quand tu arrives chez G2, on est en 2016, tu as 19 ans, est-ce que c'est un rêve qui se réalise pour toi ? C'est un rêve qui se réalise. Je me rappelle d'ailleurs que j'étais au resto quand ça a commencé à se faire, quand il y a eu le premier appel. Je reçois un appel de Marty, qui était mon boss à l'époque chez LDLC, et je ne décroche pas parce que je suis au restaurant, et je vois un message où il me dit "rappelle-moi dès que possible". Bon bah, je l'appelle, je me dis que c'est urgent. Il me dit "faut que je te dise un truc, je ne sais pas comment le dire, je suis un peu déçu et très content pour toi à la fois, il y a G2 qui m'a contacté et qui veut te recruter". Je suis comme ça au resto (il mime le choc), je vois Mat (matHEND) qui m'a envoyé 10 messages et qui me disait "je suis trop content pour toi". Le dernier message que je vois sur WhatsApp, il y a écrit "je suis trop content pour toi mon frérot". La bonne vieille époque de LDLC White (to1nou, Fuks, matHEND, bodyy, DEVIL) Parce qu'à l'époque tu joues avec lui. Ouais c'est ça, LDLC White, on est des anciens. Le dernier message de Mat c'est "je suis trop content pour toi", celui de Marty "rappelle-moi dès que tu peux". Je rappelle Marty et je dis "putain, qu'est-ce qui vient de se passer ?" (il répète). Et après c'est parti, 19 ans, c'est parti. Est-ce que tu te souviens un petit peu des émotions que tu as connues pendant les années G2 ? J'imagine qu'il y en a eu beaucoup, mais surtout sur les premiers mois, peut-être la première année, est-ce que tu te souviens un peu des grosses émotions que tu as vécues, tant les positives que les négatives ? Bien sûr, bien sûr. Je venais d'avoir 19 ans tu vois, 19 ans et peut-être deux, trois mois quand je venais de partir de chez moi. J'habitais dans un autre pays, vraiment complètement coupé de tout. Je me retrouve sur TeamSpeak, un soir, avec shox et SmithZz qui veulent m'apprendre des trucs, qui veulent nous parler vite fait parce qu'on avait un tournoi la semaine d'après à Malmö, ça va trop vite tu vois, je ne suis même pas prêt, ça va trop vite. J'ai mon expérience de chez LDLC White, il y a des offi, on enchaîne les qualifs, etc. Je me rappelle que j'avais même un problème d'internet, j'avais 120 de ping la semaine d'avant, je me dis "non mais je n'ai même pas la connexion pour jouer avec eux, ils vont me prendre pour un clown". Tu vois, j'arrive dans une équipe du T1, je n'ai même pas de connexion pour jouer... Et au final, ça s'est réglé rapidement, mais c'était beaucoup de stress, déjà au début. Des étoiles dans les yeux, je partais à mes premiers tournois inter'. J'en avais déjà fait avec LDLC White, on en avait gagné un d'ailleurs en début d'année (l'Assembly Winter). Je pars à Malmö, je joue contre les meilleures équipes du monde, on se fait éclater parce qu'on n'a pas de prépa mais c'était incroyable de rencontrer et de jouer avec des légendes. Je savais que j'allais les voir, je prenais l'avion, j'arrivais à l'hôtel, je me disais "mais putain, je ne les connais pas ces mecs-là, je ne les ai jamais vus, je les regardais juste en stream, je les ai entendus parler sur des interviews, mais qu'est-ce que je vais leur dire ?" |
C'était le Major, on nous mettait une pression de fou sur les réseaux sociaux, et je me rappelle m'écrouler sous la pression, ne pas savoir gérer ça à 19 ans... |
Au final, ça s'est fait naturellement. J'étais un peu "peeposhy" au début mais on a appris à se connaître et après c'est devenu cool. Mais j'étais giga timide, giga réservé comme on dit quand on est petit. Et puis ils m'ont mis super à l'aise et ça s'est vite bien passé. De tournoi en tournoi, on faisait des podiums, on faisait des finales – d'ailleurs la finale de l'ESL Pro League contre SK en 5 maps, un truc de fou. Le stress, tu te dis que ça va te toucher, que ça va t'affecter mais t'arrives dedans, t'es en backstage, t'es stressé, tu commences à marcher pour aller sur scène et il y a tout qui part. Je vais faire ce que je sais faire et je n'ai pas de raison d'être stressé et tout s'efface, tout s'en va. Et au final, c'étaient mes premières expériences, juste le premier Major que j'ai fait à Cologne, je me rappelle être en train de trembler devant mon PC à me dire "putain mais..." (il ne termine pas). C'est beaucoup tu vois, là c'est beaucoup. On jouait contre fnatic et SK, les deux meilleures équipes du monde, et nous, je crois que c'était le Top 3, poule de la mort, on nous mettait une pression de malade. On venait de gagner les ECS, là c'était le Major, on nous mettait une pression de fou sur les réseaux sociaux et je me rappelle crumble (m'écrouler) un peu sous la pression, ne pas savoir comment gérer ça à 19 ans... Je ne suis pas un robot tu vois. Un match de folie et une défaite que G2 vengera un mois plus tard en finale des ECS S1 Justement, tu parles de gestion. Aujourd'hui, on sait que le mental est abordé déjà au niveau des équipes du T2 mais à l'époque, on est en 2016. Est-ce que tu as quelqu'un qui t'accompagne un petit peu pour te former à cette gestion émotionnelle ? La seule personne qui nous aidait avec ça, c'était NiaK, notre manager, qui s'est formé tout seul à ce métier de manager, de papa, de coach, de tout ce que tu veux. Oui, qui a aussi son passé sportif. Il connaissait le monde du sport avec le cyclisme. Il était derrière nous, il faisait coach, coach mental, manager, limite analyste. Il avait toutes les casquettes et ça reste un humain, ce ne sont pas ses compétences de base, il n'a pas fait d'études là-dedans, enfin un petit peu mais ce n'était vraiment pas développé. Personne n'avait de coach mental à l'époque, on était un peu livrés à nous-mêmes et bonne chance quand tu montes sur scène, bonne chance quand les gens viennent t'insulter sur les réseaux. C'était lui qui nous formait à ça et ce n'est pas notre daron non plus, il ne va pas nous dire "ne vous connectez pas à Twitter trois jours avant les matchs". C'était un peu à nous de gérer ça tout seul et quand t'es jeune et que tu n'es pas habitué à ça, ou même quand t'es dans une mauvaise passe... Je peux parler par exemple de SmithZz, à l'époque où ça n'allait pas très fort en termes de performances pour lui... D'après la communauté, parce qu'il faisait le maximum pour mettre tout le monde à l'aise. Moi pour m'intégrer, pour mettre en lumière Richard (shox), pour qu'Adil (ScreaM) se sente à l'aise. Et au final, il se faisait allumer par toute la communauté. Je me rappelle, par les casters, par les autres équipes, peu importe. Et quand t'as connu des succès et que quelque chose comme ça t'arrive, t'es pas prêt quoi, vraiment tu n'es pas prêt. Ça détruit un homme en vrai. Du coup, pas trop de formation à l'époque. Aucune, aucune. NiaK, l'un des premiers à avoir encadré les joueurs de manière professionnelle G2, c'est aussi pour toi les amitiés, c'est là que tu as rencontré JACKZ et kennyS. Est-ce que c'est important pour toi d'avoir ce genre de relations humaines dans le milieu ? C'est super important. On a pu le voir avec DBL, où je prônais justement le fait de bien s'entendre dans une équipe, qu'il n'y ait pas de débordement, qu'il y ait toujours des façons de se parler, des manières d'être correct, de se dire les choses de sorte que tu ne t'embrouilles pas ou qu'il n'y ait pas de débordement jusqu'au point de non-retour, jusqu'au moment où le mec ne veut plus jouer avec l'autre. Pour moi, c'est trop important d'avoir cette mentalité-là, ce mood-là. On était professionnel aussi, c'est évident, on doit être capable de passer outre, mais on passe nos journées ensemble. Quand on est en tournoi, même à la maison quand on pracc, on a le casque toute la journée avec les mêmes personnes... On est obligé de bien s'entendre finalement. On ne peut pas avoir le seum de mettre notre casque sur les oreilles le matin quand on va strat' time, quand on va commencer notre journée et jusqu'au soir, jusqu'au moment où tu pars en bootcamp, où tu pars avec tes potes en lan et tu dis "bon bah j'ai pas envie de jouer avec ce mec-là", personne n'a envie d'en arriver là en vrai. Et pour moi, c'est super important d'avoir de bonnes connexions en dehors du jeu comme dans le jeu. Avec Jacky et Kenny, ça se passait super bien. Avec Kenny, ça se passait un peu moins bien au début dans la superteam, on était moins proches puis, au fur et à mesure, on a commencé à vraiment se connaître. Je ne sais pas, peut-être qu'il ne se sentait pas trop à l'aise vis-à-vis des rookies. Il y avait peut-être un truc où il se disait "moi j'ai gagné et toi t'arrives dans l'équipe, tu dois faire tes preuves", et je comprends. C'est comme ça que ça se passe dans des vestiaires dans le foot : fais pas le fou quand t'es un jeune et fais tes preuves. C'est normal, et avec Kenny, au fur et à mesure des années, ça se passait super bien. Et Jacky, c'est mon frérot ça s'est vu. Pour terminer sur le parcours G2, dans ton Twitlonger, tu parles de "reprendre [ta] carrière là où elle avait été mise en suspens après [ton] bench de chez G2". Est-ce que le souvenir de ces trois années a été pesant ces derniers mois, quand ça allait un peu moins bien pour toi ? Ça a été pesant sur les derniers mois de G2, j'ai même envie de dire la dernière année de G2, de mi-2018 à la fin de mon contrat. Cette année-là était vraiment pesante pour le coup... Là où je veux en venir, c'est que si j'enlève fin 2018-2019, je garde vraiment un très bon souvenir de ça, de la superteam et de G2 quand je suis arrivé dans l'équipe. Le reste, c'est plus en mode "ça a été dur pour moi" et, quand je me rappelle de ça, de mes années, j'essaye de faire un tri dans mes émotions, dans mes souvenirs, pour me rappeler que cette année-là a été super dure pour moi mentalement, comme dans le jeu. Je n'étais pas performant et je n'ai pas réussi à m'adapter à ce qu'on me demandait. |
C'est bien de se remémorer les moments où tu as gagné, les moments où ça s'est bien passé [...] mais c'est vraiment la dernière année qui m'a permis de me relever. |
C'est plutôt de ça que je suis allé tirer la force de reperformer, de remonter des projets et de me prouver que... Je ne peux pas effacer ça de ma mémoire et c'est de cette période-là que je vais tirer les enseignements, pas avant. C'est bien de se remémorer les moments où tu as gagné, les moments où ça s'est bien voire très bien passé – évidemment, ce n'est pas comme ça que je vois la superteam, mais on a quand même gagné des tournois, on a joué devant la scène française à la DreamHack Tours et ce sont des souvenirs qui resteront gravés à jamais dans ma mémoire. Mais comme je te disais, vraiment la dernière année, c'est ça qui m'a permis de me relever. En vrai, il y a eu tous les avantages du T1, évidemment. C'était incroyable, j'ai pu vivre très bien et voyager partout, j'ai même pu aller en Australie, je m'en rappellerai toute ma vie. Mais professionnellement, je n'étais pas épanoui et mentalement, j'étais dans le dur. Je me suis dit "je ne veux plus jamais me retrouver comme ça et qu'est-ce que je peux faire pour que ça n'arrive jamais". C'est de là que vient le projet DBL, puis HEET et Falcons. Donc ça a été plutôt positif comme réflexion, plutôt que de le subir comme un poids ? La réflexion était positive mais le poids, je l'ai quand même gardé sur mes épaules jusqu'au moment où je me dis "je suis en train d'y arriver". Jusqu'au moment où je peux enfin me dire "ça y est, tu es en train de faire ce que tu veux faire vraiment". Ça a pris une bonne année, jusqu'au moment où on a vraiment pu signer chez HEET, ou quand Vitality ou d'autres équipes ont commencé à me parler un petit peu. Là, je me suis dit que je ne faisais pas de la merde et ça a été un enseignement positif, c'est cool. |
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III. FiveGuys, préambule à DBL PONEY.
Son contrat avec G2 Esports arrivé à son terme en juin 2019, bodyy tentera une première fois de lancer une équipe, FiveGuys, où il partagera déjà les serveurs avec matHEND et afro. Pendant plusieurs mois, le cinq va participer à de nombreuses qualifications ouvertes sans pour autant y connaître la réussite. Dans le dur, le projet s'arrêtera finalement quand bodyy rejoindra LDLC.
De cette équipe, reste une participation à la LouvardGame 4.4 qui aura marqué les esprits non pas grâce à la troisième place acquise en Belgique mais bien de cette demi-finale WB où bodyy et Ex6TenZ vont se livrer une merveilleuse bataille en trois cartes, donnant lieu à une vidéo ambiance à l'ancienne.
Je ne sais pas si les gens se souviennent de ce passage juste après G2, mais tu essaies une première fois de monter une équipe de zéro avec matHEND et afro, déjà, et mikeyy et to1nou qui complètent ce cinq de FiveGuys. C'est quelque chose qui te tient vraiment à cœur ce projet. Tu as déjà un peu répondu avec kennyS et JACKZ, mais de manière plus générale, même au-delà de l'esport, qu'est-ce que représente l'humain pour toi ? C'est justement l'enseignement des années précédentes, et de me dire qu'il y a eu beaucoup de changements dans les équipes. J'ai pu voir ce que ça donne de jouer entre collègues, et de jouer entre potes – ce que j'ai connu par exemple chez LDLC White, de jouer vraiment entre potes et de grind ensemble pendant des années. Et après, de jouer entre collègues dans le monde vraiment professionnel, encadré, enfin, encadré de l'époque. Pour moi, ma façon de performer et comment je vois une équipe saine, c'est d'allier le professionnel, vraiment d'être très pro, de savoir ce que tu veux et où tu veux aller, d'avoir de vrais objectifs concrets, et de très bien s'entendre, de savoir se dire les choses, de ne pas avoir peur de se les dire justement, d'avoir cette relation de confiance où tu sais qu'on est collègues, mais tu sais aussi qu'on est amis, et entre amis tu es censé dire les choses quand tu les penses. Évidemment, d'une manière correcte, toujours, et de manière à s'entendre. C'est trop important de réussir à allier ça. Le cinq de FiveGuys, ici lors de la Louvard 4.4 (mikeyy, bodyy, matHEND, to1nou, afro) Quand je recrée un projet après G2, j'ai connu les deux [façons de faire] et je sais avec qui je peux remonter un projet, avec des gens professionnels et des gens avec qui je peux très bien m'entendre et, évidemment, qui sont forts dans le jeu. Je décide de contacter matHEND, qui m'aide d'ailleurs en 2018 parce que je suis dans le dur, je lui demande un coup de main, je lui dis "frérot viens m'aider, viens regarder des démos avec moi s'il te plaît, j'ai besoin d'un avis extérieur, j'ai besoin de sortir de ça". Et en 2019, dès que je sais que je suis libre, je lui envoie un message pour qu'on recommence et il me dit "dès que tu n'as plus de contrat, on y va". Du coup, on reprend to1nou, avec qui je m'entends super bien, un giga poto de nous deux. À l'époque, il y avait devoduvek, je ne le connais pas personnellement, j'ai des retours, j'ai vu des interviews, je ne connais pas le bonhomme, j'ai un peu le bagage extérieur, on m'en parle et ok, go. Puis, on prend mikeyy, pour au final qu'afro remplace devoduvek, et là ça nous fait notre cinq de FiveGuys. Ça ne se passe pas comme on le voudrait, on est des potes mais cette fois ça ne prend pas. Qu'est-ce que je fais ? J'ai des propositions depuis un moment, Heretics, LDLC, tous les mois mon téléphone sonne, on m'appelle et on essaie de me recruter dans ces équipes-là. À un moment, je me dis que les giga bro c'est bien mais, là, la sauce ne prend pas et on ne pourra pas continuer comme ça éternellement. Il y a des trucs, des problèmes de structure, on n'a pas de coach, on n'est pas encadré, c'est trop dur. |
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IV. DBL PONEY/HEET, un lourd projet.
Quelques mois chez LDLC passeront entre la fin du projet FiveGuys et les débuts de DBL PONEY, en 2021, d'abord avec JACKZ puis NBK- en stand-in, mais déjà avec le corps du cinq qui passera si près de battre Astralis en avril 2022 et de rejoindre le PGL Major Antwerp.
Mêlant hype, excitation, stress, joies et désillusions dans une aventure longtemps menée sans le soutien d'une structure, sans salaire, puis avec une organisation qui ne sera finalement pas exempte de tout reproche, bodyy aura réussi à mettre en place ce projet, cette équipe fondée autour d'une bande de potes, mais à quel prix ?
Est-ce que le fait de ne pas avoir réussi à lancer ce projet à ce moment-là, c'est ça qui te pousse aussi à le (re)lancer après avec DBL ? C'est un peu ça ouais. C'est un peu ce sentiment d'inachevé, de déception, de me dire que j'ai voulu recréer une équipe avec mes potes et que je n'ai pas réussi. Je vais chez LDLC, ça ne se passe pas extrêmement bien, je n'ai pas plus d'affinités que ça avec le projet. On se sépare et je me dis "here we go, DBL PONEY". Je joue avec des mecs avec qui je m'entends bien et qui sont en train de briller à ce moment. Donc on ne parle pas de passé, on ne parle pas de qui était fort à quel moment. J'ai pu me forger au final avec ces périodes de FiveGuys et LDLC. J'ai pu prendre de l'expérience, apprendre à vraiment me connaître, finalement. Parce que quand je sors de G2, je me dis que j'ai le bagage, que je vais faire ci, ça, que je vais aider Mat qui va lead et que je vais bien m'en sortir. Au final, je sors de G2 où je n'étais pas lead, j'étais fixe, je n'avais pas un rôle décisionnaire dans les équipes, je ne sais pas le faire à l'époque. Je n'ai aucune idée de comment le faire, j'essaie mais ce n'est pas mon truc pour le moment. Chez LDLC, je suis colead, je prends de l'expérience, je vois un peu comment ça se passe. Quand je finis LDLC, je me dis que c'est mon heure et au final, avec DBL, on finit Top 18 HLTV et on se qualifie à tous les RMR. DBL PONEY enfin au complet après avoir bénéficié de l'aide de JACKZ et NBK- en stand-in Est-ce je ne suis pas un leader ? J'en sais rien. Est-ce que je n'ai pas été assez encadré en tant que leader à cette époque ? Peut-être, mais pour moi, ce n'est pas une déception du tout DBL PONEY. On se qualifie à tous les RMR, on fait des upsets de fou, Top 18 HLTV, Top 20 constamment, je suis super fier du projet. Je ne peux pas dire que j'ai regretté d'avoir joué avec des potes et de manière professionnelle peu encadrée. En vrai, quand je vois comment ça se passe en ce moment avec Vitality, Heroic, Falcons, c'est un autre monde par rapport à ce qu'on a vécu chez DBL puis HEET. C'est ce qu'on disait au début par rapport au T2 qui est maintenant vachement entouré : vous, vous étiez quasi seuls. Tu vois, même Monte, leur coach n'a pas pu venir pour des problèmes de visa, ils n'ont personne derrière eux... T'as pas les armes pour te battre contre des équipes comme Heroic et tout finalement, c'est logique... Et j'ai perdu le fil de la question... (il rigole) T'étais en train de preshot la question d'après, où j'allais te demander si t'arrivais à scinder les côtés négatifs et positifs de DBL/HEET, et justement à garder le positif, et tu as dit que oui. Car il y a quand même ce rêve que tu avais, tu y arrives, vous terminez Top 18 HLTV, vous allez en lan T1, vous êtes aux portes du Major, vous gagnez des compétitions T2. Tu dis avoir gardé tous ces côtés positifs, mais les aspects négatifs ont-ils été pesants ou as-tu réussi à les évacuer ? Alors il faut savoir qu'au début de DBL, quand on crée le projet, il y a GoY en manager qui est derrière nous. On est sur internet, c'est période post-Covid, on a tous cramé le jeu pendant des mois et des mois parce qu'on ne pouvait pas sortir. On a vraiment tout donné et, bon, on sort de ça, on a tous plus ou moins des séquelles de cette période. Nous, au final, on est des joueurs de jeux vidéo, donc est-ce qu'on sort vraiment plus de chez nous que ça ? Ouais, pour déconnecter, mais au final toute la journée on est chez nous. |
C'est un truc qui pèse un petit peu, tu sais que tu crées un jeu pour au final recommencer au fur et à mesure. |
Comme je l'ai déjà dit dans d'autres interviews que j'ai pu faire avec vous par le passé : c'est mon premier rôle de leader. J'étais leader, coach, analyste, j'aide tout le monde individuellement à s'améliorer, on s'aide tous les uns les autres mais, à cette époque-là, il n'y a que Lucky et moi qui connaissions vraiment les façons de jouer au T1 et comment vraiment jouer à CS. Et il y a Nathan (NBK-) qui est en stand-in. Dans nos têtes, on sait déjà qu'on doit trouver un last. Jacky vient, ensuite Nathan, et on n'a pas vraiment de cinq fixe. C'est un truc qui pèse un petit peu, tu sais que tu crées un jeu pour au final recommencer au fur et à mesure [que les mois avancent]. Parce que tu reprends un joueur, tu dois réapprendre des trucs, tu n'as pas forcément les mêmes profils et tu dois réapprendre des choses à chacun. Les mois passent, on grind le jeu, on commence, on ne se fait inviter à aucun tournoi, puis on commence à grind [le classement HLTV] et on se fait inviter. On monte les échelons, il y a des échecs évidemment mais, au fur et à mesure, on a quand même une belle ascension. On arrive à trouver Ex3rcice et les vraies échéances arrivent, le RMR. Et ouais, c'est du non-stop, c'est du 120 heures past two weeks, ce sont des semaines de 60 heures... C'est même plus tu vois, parce qu'il y a les heures sur Steam puis il y a les heures où on regarde des matchs, des démos, des VOD, des analyses. Je me rappelle que j'ai encore trouvé des photos où je prenais mon écran où il y avait écrit 120 heures past two weeks, mais c'était plus.. Ce sont les périodes de qualif' RMR, les périodes de rush de fou et je me rappelle arriver à la fin de la première année DBL et je me dis "putain mais... waw" (il répète). SmithZz, à l'époque où il coachait bodyy chez G2 Esports On n'a pas de structure, on est toujours là entre nous, Mat vient nous dépanner de temps en temps. Je me rappelle même avoir demandé à SmithZz de venir nous donner des coups de main, d'aider afro dans son style, enfin lui apprendre des trucs quoi. On a eu la chance d'avoir SmithZz qui passait deux, trois fois en pracc. Et oui, il faut renouveler son jeu constamment, on arrive dans le T2 aux portes du T1, on n'a pas les slots mais on arrive dans le haut panier du T2. Moi, il faut que j'apprenne à renouveler mon jeu, il faut que j'apprenne à perpétuellement renouveler cet environnement de grind et c'était compliqué... C'était compliqué sans coach fixe. Mat est encore en étude, on le fait entre nous, on essaie de trouver les solutions mais... super galère. On fait comme on peut et, au final, on s'en est bien sorti. Mais garder ce niveau-là, tout le temps, avec des jeunes joueurs et la pression permanente... On ne gagne pas un tournoi en 2021, à part une Cash Cup. Le fait de trouver une structure, ça nous booste aussi sur le début d'année 2022 et c'est le reset. C'est vraiment le reset en 2022, mais fin 2021 c'est dur, déjà là c'est dur. Tu parles de fin 2021 avec DBL où c'était déjà dur. Est-ce que ce reset en a vraiment été un, ou est-ce que tu as gardé ça en toi puis ça s'est cumulé avec HEET ? En fait, mi-2021, j'ai des problèmes perso et ma vie change complètement. Alors, je veux pas m'étaler là-dessus, mais ma vie change complètement et c'est un poids en plus. J'avais mon équilibre où je pouvais me donner à 100 % dans le jeu et je ne faisais que ça de mes journées, la vérité c'est que je ne faisais que ça de mes journées. Puis il y a eu une coupure [à cause des problèmes personnels] et après je devais retrouver un équilibre, allier une vie perso avec DBL, rester capitaine, rester à 100 %. |
Comme j'ai toujours fait, j'étouffe un peu mes sentiments, je mets tout ça sous le tapis et on y retourne. |
Au final, tenir le même rythme que j'avais qui était : tu passes 60, 70 heures par semaine sur le PC à cramer le jeu. Je ne pense pas que ce soit humain. On était dans une grosse période pour préparer le Major, des gros tournois, tu ne fais pas ça très longtemps. Donc ouais, à ce moment-là, je commence à avoir un poids sur les épaules, que je n'ai finalement jamais ressenti avant. Même chez G2, je n'ai jamais ressenti ça et, comme j'ai toujours fait, j'étouffe un peu mes sentiments, je mets ça sous le tapis et on y retourne. 2022, allez, on saute à pieds joints dedans, c'est parti et on essaie de passer à une nouvelle année, tout simplement. On essaie d'oublier ce qui s'est passé et, déception ou joie, on met tout sous le tapis et c'est reparti, pas le temps de penser au passé. |
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V. S'ouvrir, une difficulté à surmonter.
Étouffer ses sentiments, l'inverse aurait plutôt été de les partager pour, peut-être, mieux les appréhender, les comprendre et les accepter, mais est-ce si facile de s'ouvrir, d'accepter qu'autrui puisse imaginer une faiblesse en soi et, pire, en profiter ?
Dans cette partie, bodyy nous ouvre un peu plus cette porte qu'il a longtemps préféré garder fermée, porte derrière laquelle se cache l'intimité de ces réflexions propres qui nous façonnent, et nous permettent également de comprendre et de mettre du relief sur ce qui l'a poussé dans cette situation difficile.
Est-ce que c'est dur pour toi d'extérioriser, de partager dans les moments difficiles ? Ouais, de ouf. Dans ma vie perso, je n'ai jamais vraiment été "formé", c'est con de dire ça, à parler de mes sentiments, à dire ce que je ressens, à extérioriser finalement. M'étaler sur ma vie, je ne l'ai jamais vraiment fait. Avec mes potes, c'est un peu des façades, je montre ce que j'ai envie de montrer et... pas envie d'être faible, pas envie d'être vulnérable. Je ne sais pas vraiment pourquoi, parce que je ne l'ai jamais fait, je n'ai pas envie d'être vulnérable devant les autres et ouais, c'est giga dur. |
Est-ce qu'on peut dire qu'on est vraiment professionnels à ce moment-là ? On est cinq mecs qui jouent aux jeux vidéo et qui essayent de se buter, mais on n'a pas de contrat. |
Je sais que mes teammates m'aident pour ça à ce moment-là, ils me disent "mais Alex on est là, tu as peut-être besoin d'aide". Et c'est vrai, je sais que j'ai des gens sur qui me reposer et je ne m'en sers pas, et à partir de fin 2021 c'est là où je le comprends. Je me dis que j'ai des gens qui me soutiennent, que je peux en parler, je sais qu'on n'est pas payés et c'est difficile vraiment d'assumer le projet qu'on a. Parce que... Est-ce qu'on peut dire qu'on est vraiment professionnels à ce moment-là ? On est cinq mecs qui jouent aux jeux vidéo et qui essayent de se buter mais on n'a pas de contrat, juste on performe à notre échelle et on fait comme on peut. Non, en vrai c'est dur (il répète). C'est juste dur d'extérioriser et avec les médias, avec la communauté, tu ne peux pas montrer une façade de toi qui te met un peu en danger finalement. Depuis, est-ce que tu as appris à extérioriser ? Chez Falcons vous avez Edgar (coach mental), Ozstrik3r disait qu'il discute pas mal avec toi ou même par rapport à tes proches, on parlait tout à l'heure de JACKZ et kennyS, voire d'autres proches. En fait, c'est plus dans ma vie perso qu'on m'a appris à faire ça. C'est ma copine, Lou, qui m'aide beaucoup vis-à-vis de ça, qui veut que, évidemment, je m'ouvre à elle et qui a besoin que... enfin, je ne vais pas vous apprendre une vie de couple (il rigole). Mais c'est évident que, la façade, ça marche avec les gens de l'extérieur mais pas dans le cercle très privé. C'est elle qui m'apprend à le faire. Moi... j'ai du mal à exprimer mes sentiments, donc c'est elle qui me forme un peu à ça et ça me fait un bien fou de savoir vraiment ce que je ressens et de le ressentir au moment où je le ressens, et pas de prendre un coup et de stacker toute cette frustration, toute cette déception ou toute cette joie et d'un coup d'un seul, quand tout pète, de tout ressentir. Là, c'était en fin d'année 2022, c'est arrivé tard mais mieux vaut tard qu'à la fin de ma carrière ou jamais, d'avoir des regrets et qu'il se passe ce qui se passe, j'en sais rien. Mais ouais, [j'ai plutôt appris] dans le cercle très privé que chez Falcons, chez HEET ou peu importe. Ozstrik3r, second relai après le travail réalisé dans la sphère personnelle Après, avec ces outils-là que j'ai pu développer, le fait de parler avec Oz, avec Edgar et de savoir plus ce que je ressens, eux ont été capables de m'aider et de trouver des outils plus spécifiques dans mes frustrations, dans mes sentiments, dans tous les compartiments où je peux être aidé. C'est là où leur apport peut être le plus favorable. Est-ce que le Twitlonger c'est déjà un peu pour toi une manière de démarrer un exercice, d'extérioriser et aussi de casser cette vitre teintée dont tu parlais tout à l'heure ? Je ne me serais jamais vu le faire pour être honnête. Comme je te disais avant, c'est super dur devant des milliers ou dizaines de milliers de personnes qui te suivent. Pour moi encore plus, j'ai l'impression de montrer cette façade vulnérable et d'être complètement à la merci de tout le monde. Finalement, t'étales tes sentiments et les gens en pensent ce qu'ils veulent et peuvent s'en servir contre toi. J'ai hésité longuement à le faire. J'étais au Japon quand je l'ai fait, c'est Lou qui m'a aidé à le faire. Elle ne m'a pas poussé à le faire, elle m'a dit "si t'es prêt à le faire, fais-le, sinon tant pis, mais je pense que les gens ont besoin de t'entendre en parler". Et, ouais, c'était super dur... J'ai mis des heures et des heures à me poser devant mon téléphone et à écrire tout ce que je pensais, à me relire et à me dire "franchement, je suis fier de toi". Je me dis à moi-même "je suis fier de toi". [L'émotion étant trop forte, nous prenons quelques minutes de pause] Non, ce n'est pas facile, et c'est une période où je suis parti un peu [sans prévenir] de chez HEET. Je ne joue pas les derniers matchs, le tournoi de relégation je crois, et les gens se demandent pourquoi. Ça parle un peu sur les réseaux, je sais que Lou fait un peu une gaffe, elle poste une photo de moi quand on est au Japon et je suis en mode "bon bah...". Oui, ça part un peu dans le sens opposé, "il abandonne l'équipe". C'est ça, les gens n'ont pas de contexte, les gens n'ont pas de background à ce moment-là, et je comprends tu vois, je comprends ce truc où "bon... il quitte le navire". C'est déjà difficile pour moi à accepter et je comprends que pour les gens, d'un point de vue extérieur, c'est en mode "il se barre, il s'en fout de la fin de la saison". Alors que ce n'est pas du tout le cas, si vous avez lu le Twitlonger, vous savez ce qui s'est passé. |
J'ai mis des heures et des heures à me poser devant mon téléphone et à écrire tout ce que je pensais, à me relire et à me dire "franchement, je suis fier de toi". |
Ouais, c'est une période où c'est vraiment super dur pour moi et quand je vois le soutien de la communauté, ça m'a enlevé un gros poids que j'avais sur le moment, vraiment un très très gros poids. Ça m'a aidé à accepter, en vrai ça m'a vraiment aidé à process le truc et à me dire, finalement, que [c'est bien de] parler à sa commu' et d'être ouvert, évidemment dans la mesure de ce qu'il est possible de dire. C'est très important pour les gens de savoir ce qu'il se passe dans les coulisses humainement aussi. Je pense que ça ouvrira peut-être la voie à d'autres personnes pour en parler dans le futur. Dan (apEX), c'est le premier à l'avoir fait. Je pense qu'il ne s'est pas vraiment étalé sur le sujet à l'époque, mais c'est un peu de lui que je me suis inspiré aussi quand j'en parle. Parce qu'on en a parlé lui et moi pendant un moment, période Covid, quand on n'habitait pas trop loin l'un de l'autre. On en a parlé assez longuement et je me suis vraiment retrouvé dans ce qu'il me disait à l'époque. Un jour, je pense, Dan prendra du temps pour en parler et ce n'est pas tout rose tu vois, ce n'est pas facile. |
I - II - III - IV - V - VI - VII
VI. Falcons, nouvel horizon.
Derrière ce Twitlonger, et connaissant la situation chez HEET, bodyy ne portera logiquement plus jamais les couleurs de cette équipe, rejoignant Falcons fin janvier. Il y retrouvera NBK-, dont il sera co-leader, mais surtout kennyS, avec qui il fera voler de nombreuses balles, rondes ou ovales, durant les temps d'attente du RMR de Copenhague.
C'est justement au Danemark qu'il passera à nouveau très proche de se qualifier pour le Major, et pas n'importe lequel, le BLAST Paris Major, à domicile... Un échec qui poussera Falcons à remercier kennyS et Python tout en se tournant vers un projet international, dont nous ne connaissons aujourd'hui pas les futurs joueurs, si ce n'est le trio français restant en place.
On va revenir à aujourd'hui. Tu as changé un peu de statut, tu es redevenu un peu plus joueur "simple", même si tu as toujours de la parole, que tu es co-lead, mais tu n'as plus ces responsabilités voire ce fardeau du projet HEET sur les épaules. Est-ce que ça te fait du bien de retrouver ce statut-là ? Ça me fait du bien. C'est un peu ce que j'avais vécu chez LDLC, quand c'était Lambert le leader et que je me greffais juste à ça, et que j'essayais d'aider sur ce que je pouvais faire. Ça me fait du bien et, évidemment, comme j'ai lead pendant deux ans, j'ai toujours ce truc où je me dis "peut-être que moi j'aurais fait différemment", et je donne mon point de vue à Nathan, parce que je considère que tu ne devrais pas juste avoir une idée définie. Enfin, je considère qu'il devrait quand même y avoir une conversation dans une équipe et je devrais être capable de donner mon avis quand je pense pouvoir le donner, quand je pense qu'il y a un truc où on n'est pas en adéquation. Et ouais, on en parle ouvertement. Comme je te disais avant, quand t'es pote, ami avec quelqu'un, tu devrais être capable de dire les choses et Nathan écoute tout ce que je lui dis, sans forcément appliquer parce qu'il a sa vision des choses et je l'entends entièrement, je suis passé par-là aussi. Je l'entends entièrement, on en parle, je suis co-lead, ça me fait beaucoup de bien de ne pas avoir autant de responsabilités et de pouvoir me concentrer plus sur moi. Épauler NBK- sans renier son apport individuel, voilà le nouveau rôle de bodyy Les principales frustrations que j'avais, c'était de ne pas être constant, de ne pas trouver mon niveau en permanence parce que je devais lead, m’occuper de toute la partie où je devais chercher des trucs pour l'équipe. Au final, je ne pouvais pas délaisser la partie jeu donc j'étais obligé de prendre plus de temps sur ma vie perso et vraiment me tabasser (il insiste) aux entraînements individuels et si tu veux avoir un équilibre [pro/perso], c'est très, très dur. Là, vu que je suis co-lead, que j'ai moins de poids sur le point de vue équipe, je passe beaucoup plus de temps en individuel, à regarder des démos, à m'imprégner d'autres équipes, à antistrat', etc. De là, je peux vraiment faire ce que je veux individuellement, je peux vraiment briller entre gros guillemets. Aujourd'hui, tu as 26 ans, tu es en quelque sorte au meilleur niveau de ta carrière, que ce soit en termes d'aim ou de compréhension du jeu, ce que tu peux apporter. Tu es dans une équipe qui va virer à l'international, tu as le niveau pour jouer dans le T1. Est-ce que tu es heureux d'avoir suivi tes idées au bon moment, pour maintenant suivre le fil de ta carrière ? Ce n'était pas à 28 ou 30 ans que j'aurais dû commencer à créer mon projet, tu as totalement raison. Maintenant, est-ce que je ne regrette pas de ne pas avoir été plus investi à l'époque chez G2 ? Ou d'avoir eu moins d'encadrement, moins de méthodologie de travail, moins d'opportunités à l'époque de comprendre comment gérer la pression, comment m'épanouir dans le jeu, comment plus parler de mes sentiments, de mes ressentis vis-à-vis de mes rôles, de ce que je voudrais faire dans le jeu ? Bah si, je peux avoir des regrets vis-à-vis de ça. |
Évidemment, à chaque fois que j'arrive dans un gros tournoi, un RMR ou quoi, j'ai le flashback du RMR de la veille. |
Maintenant, justement, l'enseignement de tout ça, je l'ai tiré, et la page s'est tournée quand je suis parti de chez G2 et que j'ai commencé à créer mes projets, à me dire "ça y est, t'as envie de faire ça, t'es capable de faire ça", et go. Et ouais, pour moi, là, tourner encore un autre chapitre et partir à l'inter, c'est un truc que j'ai envie de découvrir, c'est quelque chose qui m'excite professionnellement parlant. J'ai hâte que ça arrive. Je suis un peu dégoûté pour la scène française dans son ensemble, j'aimerais bien continuer et me dire, là, il y a Vitality en finale [du Major], est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'avoir une équipe française complète un jour en finale ? Je sais que si en vrai, je le sais, mais quand je suis arrivé chez Falcons, j'avais pour projet de passer ce step et de me dire que moi aussi je peux le faire. Je sais qu'à l'inter, il y a beaucoup d'opportunités. GamerLegion, une équipe T2 qu'on n'attendait pas forcément là, qui est partie de rien, juste des joueurs trop forts qui sont partis de rien et qui te pondent une finale de Major, est-ce que l'inter ce n'est pas le futur ? Il y a aussi Vitality à l'inter et qui est là. J'ai envie d'essayer... Est-ce que je n'ai pas envie de jouer avec ZywOo ? Bah si, finalement, j'ai envie de jouer en France avec ZywOo mais voilà, j'ai envie de passer à l'inter, j'ai envie de me prouver que je suis capable de le faire, de me prouver que jouer avec les potos c'était bien mais maintenant on est des mercenaires. À l'inter, je pense que c'est la mentalité de chacun, on est des mercenaires, on va créer un groupe ensemble, on y croit jusqu'au bout et on tabasse. ZywOo et bodyy, deux joueurs qui devraient porter haut le drapeau tricolore encore quelques années Voilà, on a cette nouvelle mentalité que je pense ne pas avoir eue par le passé. J'étais un teamplayer, je ne pensais qu'à mes équipes avant de penser à moi, maintenant je pense à moi et je pense que c'est ça la vraie mentalité inter. C'est savoir penser à soi, se faire passer avant tout en respectant les autres et un schéma, mais savoir aussi faire valoir son talent, ses idées et ses capacités. C'est un truc que je ne savais pas faire avant et maintenant je pense l'avoir acquis. Par rapport à ta situation, où est-ce que tu en es aujourd'hui, est-ce que tu te sens mieux ? Est-ce qu'il y a encore par moments des petits retours, des petits flashs, par exemple quand tu joues les RMR ? Tout n'est pas tout beau, tout rose, on n'est pas tout en bas et tout en haut ensuite, il y a des entre-deux, où est-ce que tu en es aujourd'hui ? Évidemment, à chaque fois que j'arrive dans un gros tournoi, un RMR ou quoi, j'ai le flashback du RMR de la veille, des six mois d'avant. Je me dis que cette fois-là c'est passé giga close, cette fois c'est passé giga close mais pour une autre raison, cette fois-là je ne suis pas passé si close mais je sais qu'il y avait les moyens et cette fois-là je suis encore passé close, mais à chaque fois j'ai l'impression de prendre une autre dimension. |
Est-ce que c'est l'inter qui m'aidera à aller plus haut ? Je me dis que oui, dans tous les cas, maintenant, je suis dedans et j'y crois à 100 %. |
En gros, premier RMR, je suis un jeune lead, je reprends les lans, c'est un aspect différent, deuxième lan [RMR], on est prêts, mais il y a le facteur pression qu'on n'est pas prêts à gérer, troisième RMR on intègre Jacky, on n'a pas les rôles adaptés, on n'est pas capables de s'adapter comme il faut, quatrième RMR on passe à deux rounds de se qualifier au Legends Stage et voilà... Je sais qu'individuellement, au fur et à mesure des RMR, je m'améliore, je progresse et j'en arrive là où je suis maintenant. Je sais que je peux aller plus haut, et est-ce que c'est l'inter qui m'aidera à aller plus haut ? Je me dis que oui, dans tous les cas, maintenant, je suis dedans et j'y crois à 100 %. |
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VII. La conclusion de cet apprentissage.
Une heure sera bientôt passée et il va bientôt être temps de conclure cette interview, la préparation du showmatch approchant à grands pas. Sans se hâter pour autant, bodyy terminera de répondre à nos questions avant d'apporter sa conclusion à cet échange sur ce qu'il a vécu durant ces années, cette période, et sur les leçons qu'il en retient, souhaitant les partager à ceux qui les liront ou les écouteront.
On a fait un gros tour et pour terminer l'interview, je ne voulais pas la terminer moi, je trouve que c'est mieux si c'est toi qui le fait. Est-ce que tu aurais quelque chose à partager au niveau de ce que tu retiens de tout ça, de tout ce que tu as vécu, de tout ce que tu as emmagasiné, de tout ce que tu apprends et de ce que tu as appris, à extérioriser, etc. Est-ce que tu as un message à faire passer aux gens qui nous regardent et, peut-être, que ça pourrait aider ? Pour moi, c'est trouver ton équilibre, savoir où sont tes limites et aimer ce que tu fais, c'est le principal. Je sais qu'à la fin de G2, j'avais du mal à kiffer aller sur le serveur et prendre du plaisir à jouer. Pareil fin 2021 avec DBL, c'était aussi très compliqué pour moi de prendre du plaisir à jouer, c'était un début de burnout, je le sais. Enfin, c'était un burnout que j'ai encore une fois mis sous le tapis. Et fin 2022, pareil. Extérioriser, savoir ce que tu ressens, comprendre ce que tu ressens, c'est trop important et ça passe par se connaître et savoir encore une fois où sont tes limites. Pour moi, c'est ça le principal. Merci à toi pour l'interview. Avec plaisir, merci à toi. Merci à toi LaTarTiNe de ne pas m'avoir lâché, parce que je sais que sinon ç'aurait été compliqué de la faire. Merci à toute la commu de me suivre et d'avoir été derrière moi ces dernières années, ces derniers mois, quand c'était dur. Toutes les personnes proches, avec qui j'ai pu parler. Et mes proches, enfin, tout le monde quoi... la commu', mes proches, mes teammates, qui ont été compréhensifs aussi. Et je sais que mes grands-parents regarderont l'interview, donc je leur fait un petit bisou. |
Extérioriser, savoir ce que tu ressens, comprendre ce que tu ressens, c'est trop important et ça passe par se connaître et savoir où sont tes limites. Pour moi, c'est ça le principal. |
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