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Tout a commencé comme dans les meilleurs épisodes de Cash Investigation : une source anonyme nous contacte et nous envoie un lien vers un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 19 novembre 2020. Si la perspective de lire une décision de justice ne nous emballait pas nécessairement, la curiosité nous a poussé à cliquer sur le lien pour découvrir en détail les parties liées à cette affaire : la Direction nationale des enquêtes fiscales, la Direction générale des finances publiques et une certaine "Société Kenny Schrub & Co Limited".
Alors on a enfilé nos meilleures moustaches d’Edwy Plenel et on s’est lancés pour tenter de comprendre cette histoire.
Rappelons en préambule que l’objectif de cet article n’est pas de décréter que qui que ce soit est coupable d’une ou plusieurs infractions à la loi. Il cherche seulement à expliquer et rendre accessible au grand public le déroulement et les éléments d’une procédure judiciaire en cours concernant l’un des joueurs les plus populaires de la scène française. Nous avons également contacté Cyril Michel et Kenny Schrub. Nous avons eu un entretien téléphonique d'une vingtaine de minutes avec le premier. Les informations qu'il nous a transmises seront notées comme telles lorsqu'elles sont utilisées dans l'article. Chacun sera libre de se faire son opinion sur les faits qui sont présentés tout au long de ce texte.
Chronologie de la procédure judiciaire
Notre affaire débute en 2019 avec une ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance (TGI) de Digne-les-Bains le 3 octobre, puis par une ordonnance rendue par le JLD du TGI d’Aix-en-Provence le 9 octobre. Ces ordonnances permettent aux agents de l’administration des finances publiques de procéder à des opérations de visites et de saisies domiciliaires à deux adresses, une à Digne-les-Bains et l’autre à Gardanne, tout cela à l’encontre de Kenny Schrub, de son demi-frère Cyril Michel et de leurs sociétés.
L'appellation "visites et saisies" peut paraître anodine mais ce sont de véritables perquisitions : les agents des impôts, accompagnés d’un officier de police judiciaire, viennent fouiller les lieux visés par l’ordonnance afin de trouver des preuves d'éléments dans le cadre d'un contrôle fiscal.
Dans notre cas, kennyS et son demi-frère ont donc vu arriver, un beau matin de novembre 2019, ces personnes à la porte de leur domicile afin qu’elles puissent fouiller leur maison, leurs ordinateurs et même leurs voitures. L’une des adresses est le siège de l’agence événementielle d'esport Centurio, dont Cyril Michel est associé, et l’autre est, d'après Cyril Michel lui-même, le domicile de la mère des deux frères.
Cet épisode aurait pu ne jamais arriver à nos oreilles mais le joueur de G2 Esports et son frère ont fait appel de cette ordonnance afin de faire annuler les opérations et d’interdire au fisc l'exploitation des informations recueillies lors des perquisitions. Le magazine économique Capital avait d'ailleurs déjà relayé l'information en mars dernier. Face à ce recours, les juges expliquent pourquoi ces opérations étaient possibles du fait de la présomption de fraude.
Parties citées par la procédure
Revenus, salaires et interrogations de la cour
Rappelons tout d’abord que cet arrêt ne porte pas sur le fond de l’affaire. La décision rendue par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ne statue pas sur la culpabilité des parties prenantes. Ce qui est jugé ici, c’est la légalité des perquisitions qui ont été menées par la justice. Pour que ces perquisitions soient justifiées, il faut des "présomptions de fraude", c’est-à-dire des soupçons que Kenny Schrub et Cyril Michel n’aient pas payé d’impôts sur le revenu, sur les bénéfices ou la TVA. C’est dans cette optique de "présomptions de fraude" que la cour d’appel va faire l’inventaire des déclarations fiscales et des montages financiers des personnes ciblées, et lever le voile sur les pratiques des deux frères.
En ce qui concerne Kenny Schrub, il a déclaré des revenus en France en 2016 et 2017 à hauteur de 48 000 euros par an. Ces revenus entrent dans la catégorie des traitements et salaires de source étrangère, et ont été payés par la société KS&CL domiciliée en Irlande. Ils sont déclarés sur une activité de consultant et ont été imposés par un prélèvement à la source en Irlande.
Premier problème pour la cour d’appel : ce ne sont pas les montants qui ont été déclarés au fisc irlandais. Ainsi, sur l’année 2017, seuls 18 750 € ont été déclarés en Irlande. Deuxième problème, le montant de ces sommes annuelles paraît dérisoire lorsqu’on connaît les salaires en vigueur dans des écuries comme EnVyUs et G2 Esports dans ces années-là, surtout pour un joueur aussi célèbre et "marketable" que kennyS.
Lors de sa signature chez G2 début 2017, le salaire de kennyS s'élevait
à 25 000 euros par mois selon les informations de l'époque
On peut d’autant plus avoir une idée du montant des salaires réels que la société KS&CL a facturé des prestations de services à destination de la société GAMERS 2 MEDIA SL pour un montant de 244 252 € en 2017 puis 275 040 € en 2018. La justice estime que Kenny Schrub est indirectement rémunéré par les prestations de services facturées à GAMERS 2 MEDIA SL par KS&CL.
Par ailleurs, Kenny Schrub n’a déclaré aucun revenu hors salaire sur les années 2017 et 2018. C’est notamment dans cette catégorie qu’entrent les cashprizes de tournois, qui se chiffrent souvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Selon le site esportearnings.com, et en partant du principe que chacun des cinq joueurs de l'équipe reçoit un cinquième du cashprize remporté à chaque tournoi, Kenny Schrub aurait gagné la somme de 332 166,67 dollars sur ces deux années chez G2 Esports. Aux taux de conversion actuels, cela ferait environ 290 000 euros. De même, on peut se poser la question sur les revenus liés aux stickers, réputés pour être des mannes d’argent importantes pour les joueurs qui participent aux Majors.
Précisons ici que la justice n’a pas connaissance de la répartition des cashprizes prévus par les contrats de Kenny Schrub avec G2 Esports. Rien n’indique quelle proportion de cette somme le joueur a touchée. Il est aussi tout à fait possible que les cashprizes de ces années aient été payés sur d’autres périodes fiscales, les retards de paiement n’étant pas rares dans le milieu.
La cour précise bien que Kenny Schrub "ne déclare pas de revenus en France dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux depuis 2016. Il est inconnu de l’administration fiscale pour une activité commerciale ou non commerciale". Il y a donc un énorme point d’interrogation sur cet argent, qui représente potentiellement plusieurs centaines de milliers d’euros. La seule chose qui semble certaine pour la cour, c’est qu’il n’a pas été déclaré en France.
L'ensemble des cashprizes remportés par kennyS en 2017 et 2018 selon esportsearnings (cliquez pour agrandir),
représentant 332 166,67 dollars soit environ 290 000 euros
Enfin, l’arrêt précise aussi que Cyril Michel, demi-frère de Kenny Schrub, n’a pas non plus déclaré de revenus dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux en France depuis 2011. Il a en revanche déclaré des salaires en 2011, 2013, 2015 et 2016. Comme Kenny Schrub, Cyril Michel est inconnu de l’administration fiscale pour une activité commerciale ou non commerciale.
L’Irlande : le rugby, les lacs du Connemara et l’optimisation fiscale
On arrive ensuite au cœur de la démonstration de la cour d’appel sur la domiciliation de la société Kenny Schrub & Co Limited en Irlande. Une information qui recoupe la localisation de la chaîne YouTube officielle de kennyS et les informations partagées en public par Cyril Michel sur son compte LinkedIn.
Comme nous le disions plus haut, à la même adresse résidaient 135 autres entreprises ainsi qu’une société spécialisée en optimisation fiscale. Si vous avez suivi les révélations récentes sur l’optimisation fiscale dans des paradis fiscaux (comme les Panama Papers, les Lux Leaks ou encore les Pandora Papers), vous avez entendu parler de la pratique qui consiste à n’avoir qu’une boîte aux lettres au sein du paradis en question, sans autre présence physique. On se retrouve alors avec des centaines, voire des milliers d’entreprises qui partagent la même adresse, dans des pays où les taux d'imposition sur les sociétés sont les plus bas.
L’Irlande fait partie de ces pays, avec un taux historique de 12,5 % d’impôt sur les sociétés (récemment passé à 15 % sous la pression internationale) contre environ 28 % en France. Naturellement, il n’y a rien d’illégal à posséder une entreprise en Irlande. En revanche, avoir une société en Irlande qui n’existe que pour payer ses impôts là-bas alors que votre activité se trouve en France, c’est interdit.
La chaîne YouTube officielle de kennyS, localisée en Irlande, comme indiqué en bas (cliquez pour agrandir)
C’est ce qui explique la défense de Kenny Schrub et Cyril Michel, qui indiquent avoir des locaux sur place. Pour la cour, ce point n’a pas été démontré puisqu’aucune pièce ne corrobore la possession de l’appartement avancée par Kenny Schrub et Cyril Michel dans l’appel qu’ils ont fait. De même, la cour déclare que la nature de l’activité en Irlande et les raisons du choix de ce pays sont insuffisamment motivées.
Pour avancer cette conclusion, la cour se base sur des éléments très factuels. Ainsi, la société KS&CL dispose de deux lignes téléphoniques situées à Digne-les-Bains. C’est une très belle ville mais, pour la justice, elle présente l’inconvénient de ne pas être en Irlande.
En se basant sur ces éléments, la cour d’appel présume que le centre décisionnel de la société KS&CL se trouve en France et qu’elle ne bénéficie pas de moyens d’exercer son activité en Irlande. En revanche, elle a ces moyens via Centurio, l’agence événementielle esport dont Cyril Michel est associé, localisée à Gardanne (13).
D’autres éléments sont relevés, comme une chaîne YouTube "Kennys Best Plays" qui renvoyait vers des sites de skins russes assez obscurs. Un point étrange qui semble relever d’une méconnaissance de la justice à propos du fonctionnement de ces centaines de chaînes YouTube et de l’écosystème des paris sur CS:GO, tant il est peu probable qu’un lien existe entre Kenny Schrub et ces canaux. Plus intéressant, les juges évoquent aussi le site flicks.gg, qui vendait des produits dérivés à la gloire de kennyS et qui appartenait également à la société KS&CL. Une nouvelle source de revenus passant par l’Irlande pour la fratrie.
Comment fonctionne le montage financier ?
Normalement, on arrive au point où vous êtes toujours avec nous mais vous n'êtes quand même pas très loin de décrocher. Le moment idoine pour un petit schéma explicatif qui présente le montage financier de Kenny Schrub et Cyril Michel selon la cour d’appel.
Profitez de ce schéma incroyable réalisé par nos soins (cliquez pour agrandir)
Soyons clairs : tel que nous le comprenons, ce montage est assez simple. On est loin des grandes sagas financières avec des sociétés-écrans, des coquilles vides et des prête-noms dans les Barbades. Cyril Michel assumait même utiliser l’Irlande pour ses activités, comme nous le montre son compte LinkedIn. KS&CL y est mentionnée comme existant en Irlande depuis 2015 (dernière ligne de l'image ci-dessous).
Extrait de la page LinkedIn de Cyril Michel (cliquez pour agrandir)
Encore une fois, le problème ne se situe pas dans l’ouverture d’une entreprise en Irlande mais dans le fait que les activités de cette entreprise n’ont, selon la justice, pas lieu en Irlande.
Que retenir ?
Vous avez tout lu ? Bravo, on va récapituler pour que ce soit clair. Vous n’avez pas tout lu ? C’est pas grave, cette dernière partie est pour vous.
Tout d’abord, la cour déclare non fondé l’appel de Kenny Schrub, Cyril Michel et la société KS&CL. Pour rappel, ceux-ci contestaient la légalité des opérations de visites et de saisies domiciliaires auxquelles ils avaient été soumis dans le cadre d’une enquête de l’administration fiscale. Au contraire, la cour réaffirme la validité de ces opérations.
Mais plus que ce point de procédure, ce sont les arguments de la cour qui nous auront intéressés ici. Ceux-ci permettent de mettre au jour un potentiel montage d’optimisation fiscale qui pourrait, au terme de l’affaire, être qualifié comme de l’évasion fiscale. On y découvre comment la justice soupçonne Kenny Schrub, légende du CS:GO français, et son demi-frère et agent, Cyril Michel, d'avoir manoeuvré pour réduire leurs contributions fiscales dans le pays où ils sont domiciliés, la France.
Cyril Michel apparaît notamment dans le portrait de kennyS réalisé par Valve il y a six ans
Un montage qui paraît au final assez basique, avec une boîte aux lettres dans un pays où le taux d’imposition sur les sociétés est plus bas, qui facture des prestations à l’équipe de Kenny Schrub. Ce dernier est ensuite payé une fraction de la somme par la société KS&CL. Ce revenu est prélevé à la source en Irlande, avant d’être déclaré comme tel en France, laissant penser à l’administration fiscale que kennyS, star internationale de CS:GO, gagnait 48 000 € par an en 2016 et 2017 alors que la société Kenny Schrub & Co Limited facturait ensuite plus de 240 000 € de prestations annuelles à G2 en 2017 et 2018.
Droit de réponse : Cyril Michel
En préparation de cet article, nous avons contacté Kenny Schrub et Cyril Michel pour des précisions. Ce dernier a souhaité s'entretenir avec nous par téléphone afin de présenter son point de vue sur cette affaire.
Pour Cyril Michel, les arguments de la justice sont la preuve de sa méconnaissance et de son inadaptation à l'industrie de l'esport. Selon lui, c'est notamment visible dans les pièces retenues par la perquisition, dont plusieurs éléments ne seraient pas justes. Il nous a indiqué que sur la période allant de 2017 à 2019, Kenny Schrub n'était pas résident en France. Il a affirmé pouvoir prouver que les activités professionnelles et matrimoniales du sniper ne se déroulaient alors pas en France.
Ce faisant, il n'aurait pas eu à payer ses impôts en France, mais dans ses pays de résidence à ces moment-là, où figurent notamment l'Écosse et Malte. L'existence d'une adresse à Digne-les-Bains au nom de Kenny Schrub existe surtout pour des raisons pratiques. D'ailleurs, Cyril Michel souligne qu'en 2019 et en 2020, Kenny Schrub est revenu habiter en France et y a payé ses impôts en bonne et dûe forme. Il nous a aussi indiqué que Kenny Schrub avait payé des impôts en France alors qu'il vivait à Malte.
Sur Kenny Schrub & Co Limited, la décision de l'établir en Irlande aurait été prise pour des raisons pratiques. Un membre de la famille des deux frères vivait en Irlande, et le choix d'un pays anglo-saxon se serait fait naturellement alors que Kenny Schrub habitait en Écosse. L'objectif, selon Cyril Michel, était aussi de ne pas avoir à faire suivre le siège social en fonction des pérégrinations de Kenny Schrub, qui a changé de lieu de résidence de multiples fois au cours des dernières années. Par ailleurs, il soulève que le droit européen l'autorise à domicilier le siège social de son entreprise où il le souhaite.
Autre point sur lequel Cyril Michel insiste, les rôles décisionnels au sein des différentes entreprises évoquées dans l'arrêt et l'article. De manière générale, Cyril Michel a répété plusieurs fois que, bien qu'étant l'agent de kennyS, il ne gérait pas sa carrière. Kenny Schrub ferait ses propres choix et mènerait sa carrière comme il l'entend. Il en irait de même avec l'entreprise domiciliée en Irlande : les décisions qui sont prises le seraient par Kenny Schrub. Selon lui, c'est bien Kenny Schrub qui est le "directeur, signataire et décisionnaire" de Kenny Schrub & Co Limited. Cyril Michel n'interviendrait qu'à titre de consultant.
Au sujet de l'agence Centurio, que la justice relie aux activités de KS&CL, Michel argue qu'il n'est qu'actionnaire au sein de l'agence et ne possède pas de pouvoir décisionnel. Ce seraient de simples investissements en France, légaux et déclarés.
Enfin, questionné sur l'entreprise "kennyS SLU" domiciliée en Andorre, Cyril Michel nous a indiqué qu'elle avait été créée depuis trois ans. Elle serait restée en stand-by car Kenny Schrub ne souhaitait pas déménager en Andorre à ce moment-là. Depuis, le sniper français s'est relocalisé dans la principauté pyrénéenne, dont Cyril Michel est aussi résident. Lorsque nous avons abordé la répartition des responsabilités au sein de l'entreprise, Cyril Michel a été clair sur le fait que c'était Kenny Schrub qui dirigeait l'entreprise. Son statut public de "directeur général" amènerait Cyril Michel à gérer les salariés, mais il ne s'occuperait pas de la politique générale de l'entreprise. Il nous a affirmé avoir des courriels qui établissent très clairement cette hiérarchie des postes entre lui et son demi-frère.
En l'état, Cyril Michel nous a expliqué avoir envoyé l'ensemble des éléments faisant la preuve de son innocence et de celle de son demi-frère à la justice. Ils sont maintenant en attente d'un jugement sur le fond.
Présomption d’innocence, droit et morale
Parce que VaKarM ne serait pas VaKarM sans un commentaire éditorial, terminons par quelques réflexions plus générales. Elles ne représentent pas l'état du droit, que ce soit sur cette affaire ou dans la jurisprudence en général. Ces commentaires n'engagent bien entendu que nous. Ils sont simplement quelques pistes sur un phénomène qui dépasse assez largement Kennys Schrub et Cyril Michel.
Rappelons-le une dernière fois : Kenny Schrub et Cyril Michel sont présumés innocents. Même si leur appel a été rejeté par la cour d’appel, cela ne signifie pas qu’ils sont considérés comme coupables de fraude fiscale. On sait simplement que l’administration avait des soupçons et a pu effectuer des perquisitions en octobre 2019. On sait aussi que ces soupçons s’appuient sur un faisceau d’indices autour de la société KS&CL, domiciliée en Irlande. Ça, c’est pour le droit.
Mais quand bien même l’administration ne conclurait, en dernière instance, à aucune entorse à la loi, une autre question se pose : jusqu’à quel point "c’est légal" est une justification satisfaisante à un comportement donné ? Peut-on porter un jugement éthique sur un agissement que la justice considère acceptable ? Que faire dans l’interstice temporel où la loi "lague" derrière la morale et ne sanctionne pas des comportements pourtant réprouvables d’un point de vue collectif ? Droit et morale, tous les étudiants en droit vous le diront, la question est aussi ancienne que la pratique juridique elle-même.
Dans le cas de kennyS et de son frère, la justice paraît certaine qu’une société a été fondée en Irlande sans réelle activité locale. Elle semble aussi certaine que le joueur a sous-déclaré ses revenus en France en utilisant ce montage pour payer moins d’impôts. Pour rappel, Cyril Michel avance que Kenny Schrub n'était pas domicilié en France sur cette période.
Même si Kenny Schrub et Cyril Michel n’avaient rien fait d'illégal aux yeux de la justice, de nombreux éléments de l'affaire rappellent les mécanismes d'optimisation fiscale, à savoir l’utilisation de niches, de vides législatifs et de régimes réglementaires particuliers qui permettent de réduire l’impôt payé tout en restant dans le cadre de la loi. C’est évidemment un concept très large, qui peut aller de la simple déduction fiscale sur l’embauche d’un.e aide à domicile à des montages ingénieux qui permettent à des milliardaires de siphonner les revenus fiscaux d’un pays.
En l’état, l’affaire kennyS est quelque part sur ce spectre : encore dans la légalité en l’attente d’une prochaine décision, mais déjà dans la zone grise de l'éthique. Un point renforcé par l’ultime développement en cours de ce cas : la domiciliation, par Cyril Michel, d’une société appelée "kennyS SLU" dans la principauté d’Andorre (voir la première ligne de la capture d'écran de son compte LinkedIn au-dessus), autre pays connu pour ses taux d’imposition favorables. Étant domicilié lui-même à Andorre, Kenny Schrub fera ainsi correspondre le lieu de ses activités au lieu de déclaration de ses revenus aux yeux de la justice.
Andorre, terre fiscale avantageuse attirant les sportifs et esportifs
Cette pratique, lorsqu'elle vise à la réduction de la charge fiscale, a d’ailleurs aussi un nom : on ne parle plus d’optimisation ou de fraude fiscale mais d’exil fiscal. Elle est très prisée par de nombreux tennismen et autres pilotes de Formule 1, qui vivent en Suisse ou à Monaco. L'exemple du tennis fut d'ailleurs le premier que nous cita Cyril Michel pour expliquer la spécificité de la nature de l'activité des joueurs professionnels. Le cas échéant, notre sniper préféré retrouvera d’autres acteurs de l’écosystème français qui ne font pas mystère de leur expatriation. Avec kennyS, on aurait presque de quoi faire un cinq andorran qui jouerait le top 10 monde.
On se gardera donc de tout jugement légal mais il semblerait bien que les entreprises montées par Kenny Schrub et Cyril Michel aient, comme beaucoup d'autres joueurs professionnels, une appétence particulières pour les pays où les taux d'imposition sont particulèrement faibles. Libre à chacun d’appliquer ses propres valeurs pour se faire son avis, mais ce qu’on en sait pour l’instant nous laisse pour le moins penseurs.
Update 16/11 (15:13):
- Nous avons rectifié une erreur ayant amalgamé les dirigeants de l'agence Centurio. Hormis le nom de Cyril Michel et de la société KS&CL, associée de l'agence, l'arrêt ne fait aucunement le lien avec d'autres associés ou dirigeants de la société Centurio.
- L'agence Centurio est une agence d'événementiel et non pas une agence d'influenceurs comme indiqué en premier lieu.
- Cyril Michel n'est pas directement actionnaire de l'agence Centurio. Il s'agit ou s'agissait à l'époque des faits de la société KS&CL. Le schéma a été modifié en conséquence.
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