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Les enjeux de la DreamHack Marseille

Logiquement, si tous les chemins mènent à Rome, tous les chemins français passent par Marseille. C'est donc vers le port français que se dirige l'esport, qui va accueillir le seul événement d'envergure du mois d'avril sur CS:GO. Au programme de la DreamHack Masters Marseille : cinq jours de compétition. Au rendez-vous : l'entièreté du top 10 mondial, et six autres suiveurs, tous venus batailler pour étendre leurs serviettes sur les plages du sud (prononcer "sud-euh"). Ou pour remporter leur part des 250 000 $.

La DreamHack utilise d'ailleurs un curieux format puisque, dans quatre groupes GSL classiques, le match à élimination se fera en Bo1. Nous dirons donc "Adieu" (en français dans le texte) à quatre formations dès le premier jour, qui pourront aller se baigner plus tôt que les autres, si tant est que la météo le permet.

Les équipes restantes y testeront dernières stratégies ou premières approches avant des mois de mai, juin et juillet extrêmement chargés : le tournoi marseillais sera donc l'occasion de voir où se situent les 16 participants en ce milieu de saison. Sans plus tarder, voici une preview de l'événement.

Groupe A : Cloud9, Team EnVyUs, FaZe Clan, G2 Esports

Il y a deux mois et demi, ce groupe aurait pu faire office de groupe de la mort. Maintenant, c'est moins sûr. Cloud9 a été relativement ébranlée par la mise sur le banc provisoire de Skadoodle et le départ de Stewie2k. FaZe a fait appel à Xizt pour remplacer olofmeister, qui s'est retiré pour d'énigmatiques raisons personnelles. EnVyUs et G2 ont respectivement eu deux et un mois pour se préparer à une première sortie en LAN, mais les résultats des ligues européennes et des qualifications en ligne des dernières semaines et les avis des experts ne sont pas des plus encourageants.

Le premier match du tournoi oppose FaZe Clan, la première équipe du monde, à Team EnVyUs. La première doit surtout son statut de numéro 1 à des performances constantes qui ne sont toutefois pas à la hauteur de ce à quoi la formation cosmopolite nous avait habitués fin 2017. Perdante dans deux finales dans lesquelles elle partait favorite (au Major contre Cloud 9 fin janvier et aux IEM Katowice contre fnatic début mars), battue par un Virtus.pro en quête d'identité au V4 Future Sports Festival fin mars, FaZe n'a tout simplement pas gagné de titre en 2018. De plus, le remplacement d'olofmeister par Xizt, écarté de Ninjas in Pyjamas début février, ne ressemble pas vraiment un présage d'amélioration.

Malgré les ajouts de kioShiMa et d'hAdji, Team EnVyUs, l'adversaire du "Clan", semble avoir beaucoup, beaucoup de mal sur Internet : échecs dans différentes qualifications en ligne, dont la récente pour l'ESL One Belo Horizonte, 12ème place en ESL Pro League et dernière place en ECS ne sont pas des signes rassurants avant la première sortie de la line-up française depuis le Major. Les Boys in Blue auront toutefois l'avantage de jouer à domicile : si la pression ne les affecte pas trop, ils ont une carte à jouer contre un FaZe Clan en mauvaise posture dernièrement, mais il faudra frapper vite et fort.

Quel sera l'apport de mixwell chez G2 ?

De l'autre côté de la poule, la deuxième équipe française, G2 Esports, affrontera Cloud9. L'équipe tricolore effectuera sa première sortie depuis l'ajout de mixwell, et permettra également le retour de Niak, d'ailleurs récemment élu "Manager de l'année 2017" par vos soins, sur le derrière du devant de la scène. À de nombreux points de vue, cette LAN sera une première : première fois qu'une line-up française de haut niveau recrute un joueur non-francophone, première fois depuis longtemps que NBK assumera pleinement le rôle de leader in-game et que nous assisterons à un réel double AWP en France. Il est pour l'instant difficile de dire ce à quoi nous pouvons nous attendre puisque G2, en ligne, produit des résultats en dents de scie : là où elle démarre bien en ECS, elle risque, à moins d'un miracle, de rater les finales de l'ESL Pro League.

Face à G2, l'espoir du Nouveau-Monde débarque sur le Vieux Continent en sortant d'une période relativement instable : mise sur le banc de Skadoodle, départ de Stewie2k pour SK Gaming, recrutement de FNS, retour de Skadoodle quatre jours avant le tournoi. Cette instabilité n'aura toutefois pas réellement impacté les Américains, qui s'en sortent très, très bien sur Internet depuis le départ de leur ancienne star. Peut-être que l'ajout d'un réel "ingame leader" était ce dont C9 avait besoin.

Si l'on en croit l'histoire, G2 ne part clairement pas avantagée dans cette confrontation puisque les Français se sont inclinés à deux reprises face aux Américains : d'abord à l'ELEAGUE Premier 2017, puis au Major, totalisant moins de 9 rounds par carte. L'équipe de NBK- aura sans doute retenu la leçon et devrait arriver prête à réduire l'"American Dream" à néant. En parlant d'histoire, lorsqu'une LAN a eu lieu en France sur CS:GO, les Français ont quasiment systématiquement atteint la finale, ce qui est de bon augure pour nos équipes domestiques.

Groupe B : mousesports, Ninjas in Pyjamas, SK Gaming, Valiance

Si vous n'avez pas suivi CS:GO ces derniers mois, vous serez surpris de savoir que mousesports est actuellement la deuxième meilleure équipe du monde et que SK Gaming chute dans les classements. Par contre, de Ninjas in Pyjamas, vous ne saurez sans doute pas trop quoi attendre, et vous ne serez sans doute pas surpris de ne pas savoir qui est Valiance.

Cette dernière est une équipe qui navigue essentiellement dans le subtop européen et les qualifications aux événements de plus grande ampleur. Au classement HLTV, elle se hisse à la 32ème place, ce qui, a priori, en fait la plus faible équipe du tournoi après... Team EnVyUs, actuellement classée 33ème. Pour arriver à Marseille, elle est passée par la qualification ouverte, battant Nemiga et AVANGAR, puis par la qualification fermée, s'imposant face à Quantum Bellator Fire et Heroic. L'un de ses joueurs, huNter, issu de Bosnie-Herzégovine, est le cousin d'un certain Nikola Kovac, alias NiKo. Les autres viennent de Serbie (3 sur 5) et de Macédoine.

Leur adversaire est une formation tout aussi hétéroclite, à ceci près qu'elle se classe 30 places au dessus de Valiance. Depuis le 18 décembre 2017, où mousesports s'incline 16-14 / 18-22 / 17-19 aux finales de la saison 4 des ECS, l'équipe aux cinq nationalités a le vent en poupe : top 5-8 au Major, puis victoire à la saison 4 de la StarSeries i-League et victoire au V4 Future Sports Festival. Autrement dit, excepté la défaite en quarts de finale à l'ELEAGUE en janvier, mousesports n'a pas perdu un match important en LAN en 2018. Il n'est plus permis de douter de cette formation, ni d'ailleurs du modèle de l'équipe internationale, représenté par FaZe et elle. Dans ce match d'ouverture, autant dire que Valiance aura du mal face à l'équipe de la souris. Sauf upset exceptionnel, l'équipe CIS filera en loser bracket.


L'avenir semble radieux pour mousesports

À l'opposé de l'arbre, nous retrouvons deux équipes qui ont défini les standards de CS:GO pendant des mois, si ce n'est des années : Ninjas in Pyjamas et SK Gaming. Il y a deux mois, les ninjas se séparaient de celui qui les avait menés pendant 5 ans et demi, Xizt, et recrutaient dennis. Ce nouveau mix, composé des deux meilleurs joueurs de l'année de la domination de NiP, GeT_RiGhT et f0rest, de deux jeunes pousses, draken et REZ, et d'un joueur expérimenté connu pour ses talents au pistol round, dennis, semble repartir sur un pente ascendante depuis février. En effet, malgré un échec à la qualification pour les IEM Sydney, l'équipe a fait un bon top 5-6 aux IEM Katowice et est bien classée dans les ligues européennes. L'événement français va être le premier test d'envergure pour cette line-up qui cherche à faire le tri entre idées conservatrices des anciens et folles propositions de la jeunesse.

S'y oppose SK Gaming, qui, contre toute attente, a fait les gros titres au début du mois en recrutant Stewie2k. Attendue au tournant du Major suite à l'ajout de boltz en octobre, l'équipe n'a pas réussi à aborder le début de l'année 2018 comme elle le voulait : un top 5-8 à la StarSeries i-League S4 et un échec en poules aux IEM Katowice ont déstabilisé l'équipe. Le dernier clou dans le cercueil, comme on dit par delà la Manche, a été une élimination prématuré des finales des WESG dans un événement où SK ne pouvait pas se permettre de perdre. Huit jours après, TACO, membre de l'équipe depuis novembre 2015, quittait la formation brésilienne. Cette équipe, qui a dominé CS:GO pendant presque deux ans, repart aujourd'hui sur de nouvelles bases en faisant appel à l'étranger.

Dans ce match qui oppose deux géants du jeu, difficile de dire qui l'emportera. En théorie, NiP part avantagée, puisque les Suédois jouent ensemble depuis deux mois, mais SK sera sans doute revigorée par le "Smoke Criminal".

Groupe C : fnatic, Natus Vincere, Renegades, TyLoo

Contrairement aux autres groupes, les favoris du groupe C de dessinent beaucoup plus clairement, en la qualité de fnatic et Natus Vincere, qui ont affiché de très belles performances ces derniers mois. À l'inverse, Renegades et TyLoo, étendards de leurs scènes nationales isolées respectives, peinent à s'imposer sur la scène mondiale.

Le premier match du groupe oppose les Suédois de fnatic aux Sino-Indonésiens de TyLoo. Les Vikings sortent d'une campagne victorieuse de 2 titres en 2 LAN, à savoir les IEM Katowice et la finale des WESG, où ils ont, accessoirement, empoché plus d'un million de billets verts. Titillant le haut du panier à la fin de l'année 2017, le trio flusha - JW - KRiMZ est donc revenu sur le toit du monde récemment, et semble bien parti pour continuer à ajouter des coupes à son armoire à trophées extrêmement fournie.

De l'autre côté, nous retrouvons l'éternel dragon chinois. Certes capable de dominer la scène asiatique sans trop de faux pas, dès qu'elle sort du Pays du Milieu, l'équipe peine à faire quoi que ce soit. L'ajout de xccurate en janvier 2018 n'a pas vraiment changé quoi que ce soit à cette tendance. Dans cette poule, le seul avantage que TyLoo pourrait donc avoir serait contre Renegades, contre laquelle elle ne débute pas.

En résumé, difficile de concevoir un monde où une équipe composé de triple champions de Major perdrait contre la formation chinoise. Toutefois, comme le CS:GO "Made in China" peut réserver bien des surprises, rien n'est encore joué.

fnatic de nouveau sur le toit du monde à Katowice (crédit photo : ESL)

Nombreux sont ceux qui, en voyant ce que donnèrent les mois qui suivant le recrutement d'electronic, avaient abandonné tout espoir de revoir Natus Vincere gravir les sommets mondiaux. Et pourtant, lorsque l'équipe se déplace, elle fait des finishs plus qu'honorables : première à la DreamHack Open Winter 2017, demi-finaliste du Major, finaliste à la StarSeries i-League S4. Ce tableau est toutefois terni par les nombreux échecs dans les qualifications en ligne, que Na'Vi n'affectionne vraiment pas, le dernier en date ayant été l'ECS S5 Challenger Cup, où l'équipe a tellement souffert de sa défaite contre GODSENT dans le match décisif que s1mple et flamie n'ont pas pris leur avion pour les finales des WESG le lendemain. En théorie, arrivée en LAN, Na'Vi devrait donc bien faire. En théorie.

Aux Russo-Ukrainiens sont opposés les Australiens de Renegades. Pour les Océaniens, l'histoire est un peu la même que pour TyLoo : domestiquement, l'équipe n'a aucun problème, à tel point qu'elle fait maintenant partie intégrante de la scène nord-américaine, où elle tire son épingle du jeu, mais dès qu'il s'agit de faire face aux Européens, c'est plus compliqué. Un monde où ceux qui sont nés pour vaincre perdent face aux renégats est donc difficile à imaginer. 

Groupe D : Astralis, Gambit, Liquid, Space Soldiers

Le groupe D est le groupe le plus relevé de cette DreamHack Marseille, n'affichant que des équipes faisant partie du top 20. Astralis fait ici figure de grosse écurie et Team Liquid et Space Soldiers ne sont pas loin derrière. Gambit, par contre, noircit quelque peu le tableau.

À ma droite, Gambit. La formation CIS, depuis le PGL Major 2017 qui avait choqué le monde entier, n'a pas fait grand chose. En LAN, elle peine à sortir des groupes et, sur Internet, c'est encore pire. En témoigne sa 15ème place en Mountain Dew League. Croire à un retour de Gambit sous le feu des projecteurs paraît donc très osé.

À ma gauche, Team Liquid. Depuis un Major où ils avaient joué avec leur coach, les Américains semblaient avoir trouvé l'alchimie nécessaire à leur fonctionnement, remportant la deuxième édition du cs_summit et terminant troisième à Kiev et à Katowice. S'est toutefois ensuivi un retournement de situation imprévisible puisque, suite au départ de TACO de chez SK Gaming, l'écurie a sauté sur l'occasion en éjectant Steel Lopes et en embrigadant le double champion de Major. Même si elle est très bien placée dans les ligues nord-américaines, il est difficile de dire où se situera l'équipe à Marseille, ou qui assurera le rôle d'"ingame leader". Disposer de Gambit ne devrait pas être très compliqué pour les Américains. La suite devra être prise "one step at a time".

Chokera, chokera pas ?

Enfin, Astralis vs Space Soldiers. Suite à un Major raté, Kjaerbye quitte l'équipe de façon assez incompréhensible. Peu importe, les Danois recrutent Magisk, et depuis, ils remontent. Top 5-8 à la StarSeries i-League S4 et top 3-4 aux IEM Katowice en LAN, très bon classement en ESL Pro League et domination complète en ECS en ligne, les Nordiques annoncent un retour qui risque d'être fracassant. S'ils ne "chokent" pas.

La montée du classement de Space Soldiers est moins flagrante que celle de leur adversaire, mais elle est bien réelle : depuis l'ajout de MAJ3R fin 2016, les Turcs grimpent, grimpent, grimpent. Une deuxième place à la finale des WESG était notoire, mais l'équipe a fait mieux dernièrement en se qualifiant la première pour les finales de l'ESL Pro League. Elle semble avoir les clés nécessaires pour gagner, mais elle semble également avoir un peu de mal à trouver les serrures dans lesquelles les insérer en LAN.
Ce match, qui devrait nous permettre de situer deux équipes emblématiques de leurs pays, promet d'être un choc où les coups s'échangent sans le moindre respect.

Vous l'aurez compris : dans des groupes dont il est très difficile de prévoir l'issue, la DreamHack Masters Marseille promet des matchs serrés et à la tournure imprévisible. Au fur et à mesure que parleront claviers et souris, la hiérarchie mondiale des mois à venir devrait y acquérir une définition plus précise.

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