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Les souvenirs de faculty

Philippe Rodier, alias faculty, est un ancien joueur de Counter-Strike, passé notamment chez aAa aux alentours de 2010. Devenu depuis auteur spécialisé dans le sport, il a écrit – en collaboration avec plusieurs personnes du milieu, notamment Dorian, rédacteur chez VaKarM – le livre Jouez sérieux : le phénomène eSport, qui sortira en octobre prochain. En exclusivité, il nous offre ici un extrait de cet ouvrage, revenant sur une partie de sa carrière, marquée entre autres par son passage chez aAa.

Le temps d'une lecture, plongez dans les souvenirs de faculty.

« Més que un club »

En près de 10 années de Counter-Strike, je n'ai remporté qu'un seul trophée majeur. En vérité, je n'étais pas un grand joueur, mais plutôt un joueur de « l'ombre ». Avec environ 150 tournois disputés, j'ai eu le privilège d'affronter les meilleurs gamers de l'Hexagone, et parfois du monde. Qu'ai-je retenu de cette période ? Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément. Accroche-toi bien Alice. Et bienvenue aux pays des merveilles...

faculty vous embarque dans son histoire

Sur Paris, j'avais la sensation que je ne pourrais jamais vraiment percer sur Counter-Strike. En vérité, à cette époque, le niveau était bien plus relevé dans les tournois de la région parisienne que dans ceux du sud de la France. Principalement en raison de la facilité pour rejoindre la capitale et du nombre d'équipes présentes aux alentours de Paris. Par conséquent, à mon arrivée sur Toulouse, j'ai tout de suite compris que j'aurais une chance à saisir rapidement si je faisais mes preuves en LAN. Seul problème, je n'avais plus d'équipe après avoir quitté Jean-Luc (mon premier « mentor »), et mes samouraïs sans terres et sans maîtres. Désormais, j'étais seul à la recherche de nouveaux coéquipiers. Et dans une ville que je ne connaissais pas encore. Heureusement, durant cette période, mIRC permettait de pouvoir rencontrer des joueurs facilement sur Internet avant de concrétiser les liens virtuels par la suite. Avec une utilisation adéquate, un véritable accélérateur à particules sociales. Dernière LAN sur Paris, la T-Lan 2005, durant laquelle pointclick (Ryad, Shane, RmS, Lemonz, ferg et Rara) s'était imposé à la surprise générale face à l'armaTeam (Aligre, Mash, Olicharan, Rodhan et Strider). Pour moi, le message était clair : un outsider peut devenir Roi.

Rapidement, grâce à un ami bien renseigné sur l'état de la scène française sur Counter-Strike, j'entendis parler des adeclik, l'ancienne équipe phare de la ville rose avec son cybercafé situé en plein sur la place Saint-Pierre, à quelques mètres seulement des bars les plus populaires. Autrement dit, un lieu culte sur Toulouse. Avec Jean-Luc, j'avais appris beaucoup de choses importantes sur le jeu. Avec adk, j'allais apprendre à jouer pour gagner. Ces joueurs avaient l'habitude de briller sur la scène nationale, je n'avais pas le droit de les décevoir. D'une certaine façon, j'étais devenu le jeune rookie au milieu d'une bande de vieux briscards, légèrement revanchards. Et j'ai vraiment apprécié cette situation. Aux côtés de ToMz, ZaN et SnOOps notamment, j'ai commencé à devenir un joueur de plus en plus régulier. De plus en plus « performant » durant les rounds importants. La confiance en soi est un élément fondamental sur Counter-Strike. Personnage charismatique, au physique imposant, ZaN criait tellement fort pour nous encourager qu'il était difficile de ne pas sentir l'adrénaline faire son apparition. Une source de motivation totale, à l'image de ce que pouvait proposer KaRa chez Factory, ou encore Ozstrik3r avec Millenium. Des leaders au sang chaud et à la verve des poètes des rues. En soi, la puissance d'un loup au service de la meute. Sa meute.

Grâce à cette période, mon style de jeu s'est développé à la vitesse de l'éclair et j'avais la sensation de progresser match après match. Certes, ce n'était pas encore le haut niveau. Mais à ce moment, j'étais persuadé qu'on pourrait bientôt accrocher les meilleures équipes françaises à force de travail et d'abnégation. Malheureusement, les multiples changements de composition ont eu raison de l'équipe (trop d'impulsivité au sein d'un même groupe, cela n'est jamais bon). Trop d'amitié sans pression, cela freine forcément la progression. Malgré tout, à la sortie d'une 9ème place à la Coupe de France (en 2007, à Chelles avec ZaN, KiRiKoU, jake et bluMz), je savais que je n'aurais pas trop de difficulté à trouver une nouvelle équipe. À vrai dire, même si j'avais eu du mal à m'adapter aux ordinateurs fournis par l'organisateur de la compétition, je jouissais désormais d'une petite reconnaissance notable grâce à de bons matchs réalisés durant la saison face à de gros calibres. Avant d'arrêter CS, SnOOps m'avait dit que j'allais bientôt devenir l'un des meilleurs joueurs français. En toute sincérité, je n'ai jamais pensé que c'était le cas. Mais j'ai eu beaucoup de chance. Et surtout, j'ai su trouver ma place... Mais laquelle ?

Une opportunité à saisir

Avec la mort d'adk après la Coupe de France (à ne pas confondre avec la version originelle de l'équipe, celle de 2003), j'ai passé le début de la saison suivante sans équipe, à jouer seul pour continuer à conserver un niveau correct. Cette période a été assez difficile à vivre, parce que j'avais l'impression de manquer le « wagon » d'une certaine façon. Et c'est exactement ce qui s'est produit. Une période où l'impatience fit son apparition. Heureusement, par chance, j'avais eu écho de l'explosion à venir d'une équipe montante sur la scène française : les don'Touch (composée de MoMaN, MaTz, NinO, eternalz et drahmin). Pour moi, c'était le coup parfait. Une occasion en or. Je connaissais déjà NinO et eternalz grâce aux LANs toulousaines, et j'avais repéré au préalable un jeune joueur bordelais qui commençait à faire son trou dans la région, instanz alias Rémi Poilbanc. À l'allure désinvolte, instanz m'avait tapé dans l'œil grâce à son skill lors d'une Marathon ReSo (en 2006, un petit tournoi modeste), mais surtout grâce à son insouciance dans le jeu. Instanz jouait sans pression et j'étais persuadé qu'il deviendrait bientôt l'un des meilleurs joueurs français. Après la GA, nous avons donc remplacé MoMaN et MaTz, avec l'arrivée d'un autre toulousain pour remplacer drahmin, Pascal Rouanet, plus connu sous le pseudonyme de BaaL.

instanz, futur coéquipier de longue date pour faculty

Pour la première fois, je rejoignais une équipe avec des sponsors et un soutien financier incarné par plusieurs petites boîtes de matériel informatique. À l'époque ce n'était pas grand-chose, mais cela représentait énormément pour moi. Je n'avais plus à payer mes déplacements et j'avais la sensation de rejoindre une équipe vraiment ambitieuse. Tout était parfait.

Avant la Coupe de France (en 2008), à Bercy, nous avons décidé de nous séparer de BaaL (un terrible conseil façon Koh-Lanta scella l'avenir du malheureux). La raison de ce choix était simple, un autre joueur toulousain, heuka alias Jérôme Bassat, venait d'être exclu de l'équipe CXTeam quelques jours auparavant. En préparation de l'évènement le plus important de l'année, heuka nous avait rejoint afin de participer à nos entraînements chez eternalz. Ce qu'il faut comprendre, c'est que Jérôme ne représente pas seulement UN joueur pour nous à cette époque, mais l'élément clef pour franchir un cap et devenir une équipe qui compte en France. Stratège dans l'âme, heuka était capable de diriger ses troupes à merveille. Un esprit discipliné et pragmatique. En quelque sorte, il s'agissait du mariage parfait. À Bercy, l'équipe s'écroule en poule malgré une victoire de prestige face à extenSia (curiel, Genocide, TDSI, BreK et ngl) sur le score de 16-12, sur dust2 (une map particulièrement appréciée par les équipes du sud de la France à cette époque). À l'issue de la compétition, NinO décide d'arrêter Counter-Strike définitivement pour se consacrer au poker. Fabien « atLaNtis » Deguiraud intègre l'équipe en provenance de CXTeam (l'ancienne équipe d'heuka). Nous sommes au prélude de notre ascension.

Deschamps, Zidane et Jacquet

La première sortie officielle de l'équipe fut les WCG France, à Paris, porte de Versailles. En résumé ? Un petit tour et puis s'en va (2 défaites et 1 match-nul), après une première remontée fantastique contre oXmoze (notre grande marque de fabrique). Malgré tout, je n'étais pas déçu, ou même amer. Les équipes présentes étaient tout simplement meilleures que nous, et l'organisation du Tournoi manquait de respect vis-à-vis des joueurs. J'ai toujours eu un côté syndicaliste et j'appréciais de le faire savoir. En vérité, j'ai toujours perçu l'eSport comme quelque chose de sérieux (on ne s'entraîne pas en équipe pendant des heures pour rien), et j'ai rarement apprécié d'être considéré comme un produit d'exposition durant les tournois. Alors, j'essayais de mettre en place les meilleures conditions pour mon équipe, je veillais à tout ce qui était extérieur au jeu. À mes yeux, l'esprit d'équipe a toujours été la chose la plus importante. En tant que joueur moyen, il fallait bien que je compense ailleurs.

À Brest, lors de la Silver Arena, il s'est passé quelque chose de différent. Pour la première fois, on s'est retrouvé dos au mur en passe d'être éliminés lors des phases de groupes (un échec terrible lors d'une LAN « moyenne », à l'inverse des WCG, après avoir traversé la France entière, imaginez le drame...). Cela a déclenché quelque chose de « nouveau » en nous, on a pris conscience qu'on pouvait s'accrocher face à la difficulté. D'une certaine façon, cette sensation douloureuse de pouvoir quitter le tournoi prématurément nous a permis d'apprendre à « vivre » en équipe, à « souffrir » en équipe. Je n'oublierai jamais la détresse présente dans le regard de heuka à cet instant, j'avais de la peine pour lui puisqu'il s'agissait de notre guide. Notre stratégie était bonne, il nous manquait seulement de l'expérience. La persévérance était devenue notre crédo numéro un, la tactique notre principal mantra. Direction Arles pour la PxL #20. Nous avons rendez-vous avec Millenium et shockwave. Mais surtout, avec emuLate.

Pour devenir les meilleurs, il faut battre les meilleurs

J'ai toujours admiré emuLate, mais surtout HaRts. Pourquoi HaRts, plus particulièrement ? Parce qu'il représente à merveille la notion de « cerveau » dans Counter-Strike (je l'ai vu jouer des matchs en reculant de sa chaise pour guider son équipe en délaissant son propre jeu). Et, par conséquent, devenir celui qui parvient à combiner une large matrice de séquences stratégiques en un temps record (afin d'orchestrer au mieux les déplacements des uns et des autres pour prendre le contrôle sur le jeu de position). Ensuite, l'improvisation et le talent des musiciens feraient la différence face à l'imprévu. Sans conteste, avec emuLate, HaRts a dominé le jeu comme peu de joueurs en France (dans un autre registre que Ozstrik3r, l'autre grand leader sur Counter-Strike durant cette période). « Oz » était beaucoup plus dans l'intuition et dans une forme d'adaptation à son adversaire. D'un côté, une sorte de caméléon, au caractère magnétique. De l'autre, un petit renard, à la malice facile. Et à la ruse des plus grands.

Pendant la PxL #20, nous avons affronté ces deux équipes (Millenium et emuLate), mais c'est bien cette rencontre face à emuLate sur dust2 qui reste gravée dans ma mémoire. Une nouvelle défaite (16-14), mais cette fois, le score est serré et nous avons dominé notre adversaire comme rarement auparavant. Pour nous, il s'agit d'une véritable prise de conscience (on peut s'imposer face aux plus grosses équipes françaises, on peut semer le doute dans la tête de nos adversaires). Il est temps de passer au niveau supérieur. Célèbre site d'actualité eSportive de l'époque, Actu-Lan.com ne s'y trompait pas non plus : « eSport-Eu a dominé la partie à chaque début de side, a fait le plus gros du travail mais son mental n'a tenu qu'à un fil et les emuLate ont su en profiter avec un jeu sans risque, bien posé. La peur de gagner ou la fureur de perdre ? Toujours est-il que la fin du match a été marquée par un manque d'attention total de la part des joueurs de eSport-Eu ». De mon côté, j'étais convaincu qu'on aurait bientôt notre revanche : « Pour moi, il n'y a rien à changer. Il faut qu'on continue dans cette direction ». Finalement, ce sera Millenium qui nous éliminera du tournoi après un massacre dans les règles de l'art (16-6). Qu'importe, le meilleur reste à venir. Le meilleur s'appelle Gamers Assembly.

Malheureux à la PxL #20, Opi (manager), faculty, Instanz, Heuka, eternalz et atLaNtis remporteront l'édition suivante

Et tout commença par une raclette

Avant la PxL #20, nous avions décidé de quitter l'équipe don'Touch afin de rejoindre eSport-Eu, une structure avec plus d'argent et plus de sponsors. Avec dT, le système financier mis en place ne nous permettait plus d'envisager une progression sereine et constante. En vérité, les relations étaient parfaites avec le staff don'Touch (Nono et Hoang) mais il nous fallait une véritable assurance financière pour la suite de la saison. De l'autre côté, eSport-Eu nous garantissait l'acquisition d'ordinateurs tout neufs (fournis par son sponsor principal, ASUS) et un budget conséquent, avec la possibilité de participer à la DreamHack Summer (en Suède, à Jönköping) à l'issue de la Coupe de France. Le deal était impossible à refuser. D'une petite équipe locale, nous allions devenir une équipe à l'allure beaucoup plus professionnelle. Le tout, en conservant un aspect familial avec notre nouveau staff (Ricain, Opi, Papy, PyRo, Pollet, LiTz, FuRaX ou encore Incognito). Comment rêver mieux ?

Avant la GA, j'avais pris la décision d'organiser un bootcamp avec l'équipe chez moi (comprenez, un duplex s'est transformé en QG militaire durant plusieurs jours). Bien évidemment, mes parents étaient absents pour l'occasion et la règle était claire ; qui casse paie, ou aura affaire à mon père. Comme souvent, instanz n'a pas respecté les règles en transformant la chambre de mon frère en piscine de luxe (ce génie avait oublié de fermer le Velux par un temps pluvieux...). Cette année, Barcelone marchait sur la planète football et le monde découvrait un lutin nommé Lionel Messi. Une semaine avant la compétition, nous étions fin prêts. N'importe quel joueur rêve d'accéder à une finale de Gamers Assembly. Comme n'importe quel joueur rêve de remporter la Ligue des Champions.

Le premier soir, nous avons fait la connaissance du staff eSport-Eu, absent en majeure partie lors de la PxL. Pour l'occasion, notre manager, Ricain, avait loué plusieurs bungalows non loin du Futuroscope pour nous permettre d'être le plus proche possible de l'évènement (et surtout dans des conditions optimales avant d'entamer la compétition). Pour être honnête, ce soir-là, j'ai vraiment senti qu'il pouvait se passer quelque chose durant ce week-end. L'ambiance était parfaite, l'alchimie commençait à naître (à grands coups de raclette et d'alcool fort, comme souvent). Autour de nous, un staff conséquent venait de faire son apparition. Lorsque j'avais un problème avec mon ordinateur ou ma souris, mon clavier ou mon casque, un membre du staff ASUS venait automatiquement m'aider. Si j'avais soif, on m'apportait à boire ou de quoi me ravitailler. Mine de rien, ces petites choses qui peuvent paraître dérisoires nous ont permis d'appréhender le gaming sous un nouvel angle, nous sommes rentrés dans une véritable zone de confort. Ensuite, il suffisait de se focaliser sur le jeu pour être performant. Tout était organisé à merveille. Cette alchimie nous a permis d'être performant assez rapidement, mais surtout d'être très régulier. En deux saisons, nous avons atteint les finales des plus grands tournois français (Gamers Assembly, ReSo, WCG.fr, EPS.fr et ESWC.fr). D'une certaine façon, nous le devons aussi à notre staff ; quand des personnes s'investissent pour vous, il est important de leur rendre la pareille. Pendant les matchs, j'ai toujours considéré notre coach, Opi, comme un joueur supplémentaire. Avec un rôle différent, mais tout aussi important.

Pour un flirt avec l'histoire

Pour être franc, les premiers matchs ont été une formalité (même si on avait encore du mal à battre les grosses écuries avant ce tournoi, l'écart s'était déjà considérablement creusé avec le reste de la scène). Peu de rounds encaissés, quelques headshots bien placés. Le groupe était serein, tout le monde savait exactement ce qu'il avait à faire. Puis, vint la rencontre face à emuLate. Le match tant attendu (ou la revanche de la PxL et l'occasion de prouver que toute cette nouvelle organisation autour de nous n'est pas qu'un simple feu de paille). Pendant plusieurs semaines, on avait décortiqué leur jeu sous tous les angles possibles. Pour l'occasion, heuka s'était métamorphosé en « Kasparov 2.0 » : on connaissait leur jeu par cœur, on savait exactement comment répondre à chacune de leurs stratégies. Ça n'a pas manqué, victoire 16-10, au milieu d'un staff en fusion, et, sans forcer... Actu-Lan.com toujours : « Contre toute attente, eSport-Eu écrase tout le monde sur son passage, même les emuLate lors de la première phase de poule ». En demi-finale, shockwave ne sera qu'une formalité. Les retrouvailles avec emuLate en finale, beaucoup plus douloureuses. Seuls les meilleurs joueurs remportent une Gamers Assembly. Ce jour-là, nous n'étions pas les meilleurs. Et j'avais une grande part de responsabilité dans cette défaite. Une défense de bombsite mal négociée aux portes d'une victoire 2-0 face à la meilleure équipe française, en finale d'une LAN aussi prestigieuse que la GA. Sur le moment, cela laisse beaucoup d'amertume. En vérité, énormément d'amertume.

atLaNtis lors de la finale de la Gamers Assembly 2009

Après la GA, le regard des gens a changé sur nous, on pouvait notamment le ressentir durant les tournois mineurs (quand on arrivait dans une salle avec nos polos et nos ordinateurs dernière génération, accompagnés par notre staff, beaucoup de gens nous regardait et de plus en plus de monde venait derrière nous afin d'observer nos rencontres). Du statut d'outsider, nous étions passés dans la case des « vainqueurs potentiels ». Pour le reste, la rivalité restait toujours la même avec les grosses écuries. Avec Millenium, elle était bon enfant et nous parions régulièrement des McDos pour contenter le côté obscur de la force. Avec emuLate, c'était une autre histoire.

La Coupe de France, à Puteaux, sera un événement en demi-teinte. Avec la dégression progressive de l'ESWC et la faillite de Games-Services, le tournoi se retrouve délocalisé dans une salle « bas de gamme » et sans féerie particulière. Pour autant, l'ambiance était plutôt bonne. Après une phase de poules sans difficulté et un bracket bien négocié, l'équipe va finalement s'incliner une nouvelle fois face à Millenium (en finale du loser bracket, 16-14, un show assuré par les deux camps, staff et joueurs compris, pour le plus grand bonheur du public). Emmenée par son leader, RevZ, alias Rémy Prieur, les iGamerz prendront la seconde place du tournoi et confirmeront leur statut d'équipe majeure sur la scène tricolore. Pour nous, il est grand temps d'aller découvrir la Suède.

La DreamHack, une autre dimension

Troisième de la Coupe de France, finalement, ce n'était pas si mal après avoir démarré la saison par une 9ème place lors des WCG.fr (ainsi qu'un tournoi compliqué à Brest). La progression était constante et le groupe « vivait bien » selon la sacro-sainte maxime, si chère au monde du football. Un petit tour à l'aéroport de Beauvais (pour rejoindre Stockholm), un trajet au milieu de la verdure nordique. Et nous étions à destination : Jönköping, 126 000 habitants et forcément beaucoup de gamers au mètre carré. Pour l'occasion, Sylvain « bigfoot » Terres avait remplacé atLaNtis, indisponible pour raison professionnelle. Ce n'était pas forcément l'idéal pour une première sortie internationale, mais nous n'avions pas le choix. Et sans invitation, il fallait surtout passer par les qualifications (le « BYOC », abréviation de « Bring your own computer ») afin de rejoindre le tournoi professionnel.

En toute sincérité, le « BYOC », c'était l'enfer absolu. Des conditions de jeu difficiles (au milieu de milliers de Suédois prêts à en découdre), absolument aucune place sur les tables (de la drum and bass en boucle dans toute la salle...), j'ai vraiment cru que j'allais devenir fou. Heureusement, j'ai senti que les autres s'en tiraient plutôt bien au niveau de leur configuration, et de toute façon, je n'avais pas la possibilité de jouer le syndicaliste avec un anglais à 2 balles. Il fallait encaisser. C'était la seule possibilité pour rejoindre les meilleures équipes du monde dans le tournoi pro. Finalement, on a roulé sur tous nos adversaires (après avoir perdu notre premier match par forfait, après avoir pris trop de temps pour fumer dehors...), et même sans Fabien, l'équipe développait un jeu plutôt intéressant. En vérité, bigfoot n'était pas seulement un joueur venu nous dépanner pour l'occasion. Il s'agissait de l'un de nos meilleurs amis dans la vie, ce qui avait grandement facilité son intégration.

Dans le tournoi pro, malgré des conditions de jeu optimales, on a quand même moins rigolé. Le premier match contre Crystal (pronax, lidde, zitron, raxxe, robin), défaite 16-7 sur dust2, nous contraint automatiquement à l'exploit pour sortir des poules avec l'obligation de battre Begrip.swe (zneel, hibb, pita, Snajdan et JAEGARN) ou Lemondogs (Gux, threat, kHRYSTAL, face et GeT_RiGhT). Autant dire, en mix, une mission quasi impossible. Même si bigfoot s'en sortait très bien, il nous manquait certains automatismes dans le jeu, et surtout la confiance de nos victoires passées avec notre composition officielle. Dans les moments difficiles, on n'est jamais parvenu à sortir la tête de l'eau, ce qui pourtant était la grande force de notre équipe. Finalement, Begrip.swe était à notre portée avec une défaite sur le fil (16-13). Pour Lemondogs (futurs vainqueurs de la compétition), on s'est tout simplement fait démonter de A à Z : défaite 16-7 sur train, en commençant CT, sans jamais voir le jour.

Première lan internationale en Suède, à la DH Summer

Dans les mémoires, au-delà du tournoi Counter-Strike, chacun de nous se souvient encore de ces quelques jours en Suède pour plein de raisons différentes. Il ne s'agissait pas seulement d'une LAN, mais d'un véritable « Temple du Gaming ». À cet instant, on a vraiment pu ressentir la différence de mentalité entre la France et la Suède au niveau de la perception des jeux vidéo. C'était impressionnant, et surtout très hétéroclite (avec des gamers de tout âge, de tout genre vestimentaire et des styles très variés). Pour l'occasion, notre manager, Ricain, avait mis le paquet en nous offrant le gîte dans un hôtel 4 étoiles et des soirées mémorables, alcool à volonté et découverte des joies suédoises accompagnées par des gamers venus du monde entier. En un sens, notre plus belle victoire durant cette semaine. Et l'assurance d'avoir profité au maximum malgré la défaite.

La chute

Au retour de la DreamHack, il s'est passé quelque chose à laquelle je ne m'attendais absolument pas. Une sorte de déchirement. Mon tour était venu, le terrible conseil avait tranché quelques jours après le tournoi. Avec une voix pesante, Rémi, Jérôme, Olivier et Fabien m'ont expliqué qu'il « fallait changer un joueur de l'équipe, dans l'optique de franchir un cap pendant la prochaine saison ». Je n'y croyais pas, comment pouvoir décider ça au retour d'une LAN sans notre composition officielle ? J'ai repensé à tout ce qu'on avait accompli ensemble, toutes les galères avant d'arriver à devenir une équipe qui compte en France. J'étais abattu, je n'avais même pas envie de me défendre. Malgré tout, j'ai compris leur choix. C'était difficile à accepter, mais il fallait peut-être un joueur moins skillé et plus intelligent dans l'aspect stratégique du jeu pour s'imposer comme LA meilleure équipe française. De toute façon, j'étais convaincu que Rémi allait bientôt revenir me chercher.

Sans faire de chichi, RevZ, mon remplaçant, est un vrai bon joueur d'équipe : intelligent et solide sur son bombsite. Son intégration a été immédiate. Sans moi, l'équipe va participer à la GameGune, à Bilbao, en plus de terminer seconde lors des WCG.France (battue par Millenium en finale après avoir sorti emuLate précédemment). Une victoire à l'Azerty Party en plus. Des résultats vraiment encourageants. Pourtant, cela ne va pas empêcher l'équipe de revenir sur son choix. Le coach annonce la nouvelle sans détour : « Cet été, nous avons pris la décision de faire un changement pour pouvoir passer un cap. C'est pour cette raison que nous avons recruté RevZ car c'est un bon leader reconnu. Il avait le profil du joueur que l'on recherchait et dès le début, tout s'est très bien passé. Nos premiers résultats furent concluants, seulement depuis quelques semaines, un malaise s'est installé au sein du groupe. L'ambiance se détériorait de plus en plus chaque soir et il fallait trouver une solution rapidement pour aller de l'avant. Après de longues discussions, nous en avons conclu qu'il fallait faire un changement. Etant donné que nous sommes tous amis de longue date, c'est le dernier arrivant RevZ qui en fait les frais. Nous allons maintenant nous mettre à la recherche d'un dernier joueur et il sera communiqué dans les jours à venir ». Le suspense sera de courte durée. Après mon retour, l'équipe s'impose contre Millenium (2 maps à 0, sans entraînement ou presque) pour la première fois de son histoire, lors de la Silver Arena. Toujours à Brest. Un lieu fondateur pour nous.

En finale des EPS.fr, à Paris, une nouvelle défaite face à Millenium (2-1) viendra sceller le sort de notre saison, décidemment notre bête noire pendant plus d'une année, avant le remplacement de Ozstrik3r par Rara (intervenu à l'issue de cette compétition, et véritable coup de tonnerre sur la scène eSportive). En coulisses, depuis plusieurs jours, quelque chose se prépare. La plus belle des informations vient d'arriver jusqu'à nos oreilles. L'eSport français s'apprête à vivre l'une des fusions les plus importantes de son histoire.

Contre toute autorité

J'étais tellement fier. Sincèrement, j'ai vécu ce jour comme un rêve de gamin. Le 6 février 2010, après des semaines de rumeurs intensives, eSport-Eu rejoignait aAa avec l'objectif de revenir sur le devant de la scène internationale. La news rédigée par Coucoueuf, membre historique du staff aAa depuis 2003, donnait le ton : « Près d'un an après sa clôture, against All authority réouvre sa section Counter-Strike (© VALVe) en parallèle d'un partenariat avec la société ASUS et sa gamme Republic of Gamers. Les joueurs de la formation eSport-Eu rejoignent en effet aAa pour former la nouvelle composition Counter-Strike de la structure la plus emblématique de France dans le milieu du jeu vidéo de compétition (aAa fêtera ses 10 années d'existence en mai 2010) ». En théorie, tout est avec nous. La pression, un nouveau challenge, la malédiction du tag en plus. Notre sponsor principal de l'époque (ASUS), va aussi pouvoir profiter de la visibilité offerte par le portail communautaire, et accroître progressivement son image dans l'eSport. Le mariage est parfait. Première sortie, l'Atomic ReSo. Rédacteur pour Millenium.org, Gogeta annonce la couleur : « Arrivant avec tous ses sponsors et quelques personnes du staff, les Toulousains font leur première apparition sous leurs nouvelles couleurs lors de l'Atomic ReSo. Les aAa espèrent bien atteindre le podium mais surtout la victoire après trois secondes places ». Tout le monde espère une réponse : « Le retour du tag maudit ou le retour des podiums pour la vieille dame ? Telle est la question qui aura sa réponse ce week-end mais le plus probable reste quand même la deuxième option pour les against All authority. Avec un effectif soudé depuis deux ans, des bonnes performances depuis un an, une structure connue dans notre pays et une LAN près de chez eux, toutes les conditions sont réunies pour que les coéquipiers d'Heuka atteignent la finale et réussissent enfin à l'emporter dans une grande LAN. Réussiront-ils ? Cela est possible mais les pronostics ne vont pas dans ce sens ».

faculty et atLaNtis, avec les couleurs aAa, à la Reso

Malheureusement, cette première sortie avec le tag aAa sera un véritable échec malgré l'engouement autour de notre transfert. Avec sa nouvelle composition, BURNING va nous ouvrir façon boite de conserve (16-11, 16-01) sans jamais nous laisser la possibilité de revenir dans la rencontre. J'avais l'impression qu'on était des enfants, et eux des adultes. Ils étaient injouables. Absolument injouables. En petite-finale, l'équipe s'impose contre Dimension 4, un mélange entre de vieux briscards (dim2k et MaYeRs) et de jeunes joueurs avec un fort potentiel (maverick, shox et tiMu). J'étais vraiment fier de pouvoir serrer la main de MaYeRs, ancien goodgame et joueur respecté de tous, après une victoire, ce n'est pas rien. Jamais de vagues, toujours régulier (et donc toujours très fort), MaYeRs ressemblait à l'équipier modèle. À cette époque, shox était déjà très fort lui aussi. Tout le monde était persuadé qu'il deviendrait une référence. Tout le monde avait vu juste.

Pour la Gamers Assembly, on avait vraiment soif de revanche. Une telle défaite face à BURNING, cela ne pouvait être qu'un accident. Les premières phases de groupes ressemblèrent à une promenade de santé (6 victoires, 0 défaite), avant d'embrayer par un match plus compliqué en 1/4 de finale, face à la nouvelle composition des Millenium : Ozstrik3r, bisou, Jarod, YiiKoN et mshz. En vérité, on ne s'attendait pas à une rencontre aussi serrée (victoire 2 maps à 1, avec beaucoup de rounds accrochés). Cela nous a permis d'être au top de notre forme avant d'attaquer le gros morceau du tournoi. Un nouveau match au sommet face à BURNING. Ou la revanche de la ReSo.

Steven Gerrard, tr1p et la Ligue des Champions

Ce match, dans ma tête, ce devait être « mon » match. J'avais le sentiment que je devais me racheter de notre finale perdue face à emuLate l'année précédente, j'avais toujours l'impression qu'on avait perdu cette GA par ma faute. Même si Counter-Strike reste un jeu d'équipe, j'avais quand même sacrément bien merdé ce jour-là. À mes côtés, j'avais bigfoot, l'un de mes meilleurs amis, et mon colocataire de l'époque. Toute la foule derrière nous attendait le verdict, qui pour rejoindre oXmoze en finale (RiGo, MaT, loduN, P0My et mSx) ? J'étais persuadé que j'allais sortir un match taille XXL. Ça n'a pas manqué.

Toute l'équipe a été phénoménale durant cette rencontre. D'une certaine façon, heuka ressemblait à Napoléon en pleine bataille d'Austerlitz. La première map, dust2, est un modèle du genre. Rounds sous pression, incroyables retournements de situations. Tout y était : « Sur cette rencontre, Olivier Metge alias eternalz, et ses partenaires vont jusqu'au bout des rounds et n'abandonnent même pas alors qu'ils sont menés 15 à 2 ». Traduisez, BURNING a 13 balles de break entre les mains. Une raison valable pour jeter l'éponge ? Certainement pas, les plus grandes équipes se construisent à travers la difficulté : « Pourtant, ils parviennent à remporter de_dust2 après un double overtime : 22-18 ». Le résultat d'un mental à toute épreuve. Sur la deuxième map, nuke, la bande à Geno nous inflige un 16-8 assez violent. En 2005, lors de l'ESWC, tr1p nous avait laissé un souvenir d'envergure sur train face à Lunatic-Hai, je n'ai jamais oublié cette action. Comme Steven Gerrard à la mi-temps de la finale de la Ligue des Champions (mené 3-0 face à l'AC Milan), je me suis dit : « Ces salopes pensent que c'est terminé, mais elles se trompent ».


La fameuse action de tr1p lors de l'ESWC 2005

À cet instant, j'ai décidé que j'allais rentrer dans ma bulle. Rien à foutre des strats, rien à foutre du lead in game. J'étais dans un état second. C'était inconcevable qu'on puisse s'arrêter en demi-finale après avoir transformé l'impossible en réalité sur la première map (revenir à 15-15 après avoir été mené 13-2, vous imaginez ?). On a commencé CT sur train, avec un side super accroché et super tendu (8-7). Comme toujours, sixeR et J3r nous laissaient très peu de place, et Geno réalisait des déplacements intelligents. C'était sport, vraiment sport. La salle était en furie. La tension, palpable à tous les niveaux. Et pis, vint le side terro. Au changement de carte, j'avais annoncé à Fabien que ça allait être SON match. Notre sniper, sur une map à longue distance, j'avais envie qu'il se transcende. Maintenant, c'était en quelque sorte à lui de nous ouvrir les portes d'une nouvelle finale. Honnêtement, Fabien a toujours été un joueur très solide, très calme tout en pouvant exploser à n'importe quel moment. J'étais rassuré quand il jouait avec nous. J'avais l'impression qu'il pouvait retourner n'importe quelle situation grâce à ses coups d'AWP. Finalement, on prend le gun round assez sèchement, ce qui nous oblige à enchaîner sur un eco round. L'heure est à la prise de risque, direction le bomb site intérieur...

One, more, time...

En soi, ce round n'est pas décisif, mais il a une importance capitale dans cette rencontre. Sur une map à l'avantage CT, avec de très bons snipers dans ses rangs (sixeR en tête d'affiche), BURNING pourrait creuser l'écart très rapidement. Sur de ses forces, heuka décide de nous faire acheter un deagle et un kevlar afin de tenter le tout pour le tout. La meilleure idée possible. En formation tortue, on arrive immédiatement à prendre le contrôle du bomb site intérieur, et à poser la bombe, contre toute attente. Pourtant, sans trop savoir comment, à la vitesse de l'éclair, je me suis retrouvé seul contre 3 CTs, caché sous un train. J'étais déconcerté. Mais, je n'avais pas le temps de réfléchir. En une fraction de seconde, j'ai repensé à cette action de tr1p durant laquelle l'Américain se joue deux Coréens avant de voir la bombe exploser sous ses yeux. J'étais convaincu qu'il s'agissait de mon tour. J'ai regardé sur ma droite. Et j'ai vu que toute l'équipe me regardait en implorant le Divin. Je n'avais pas le droit à l'erreur.

Comme on dit, j'ai d'abord joué la montre, avant de sortir de ma cachette pour effectuer le premier kill. Ensuite, il me suffisait de continuer à me déplacer pour empêcher les deux derniers BURNING d'avoir ma peau. À ce petit jeu-là, j'étais imprenable. Ma spécialité, c'était la défense des « B2 » (les bomb site où vous êtes généralement seul), et les clutchs rounds (les rounds décisifs). En deux saisons, je me suis rarement mis en valeur, mais j'ai souvent permis à l'équipe d'empocher des rounds considérés comme « perdus d'avance », à raison d'une infériorité numérique ou d'une situation mal embarquée. Avant de tomber sous les balles du dernier BURNING, un dernier kill m'assurera le gain de temps nécessaire pour voir la bombe exploser à mon tour, et par la même occasion, permettre à mon équipe d'inverser à nouveau la tendance. Vous ne pouvez pas imaginer la réaction de mes coéquipiers après cette action, c'était la folie, on était désormais convaincu que plus rien ne pouvait nous arrêter. Lors du dernier round, Fabien s'offre un 1 contre 3 à l'AWP pour conclure la partie. sixeR, lui, ne pourra que constater les dégâts et briser son clavier sur la table à l'issue du match. Après l'une des plus belles remontées de l'histoire sur Counter-Strike, aAa est en finale de la Gamers Assembly.

faculty et instanz, en route vers la finale de la GA

Sincèrement, malgré l'euphorie impossible à contenir, j'étais vraiment gêné d'aller serrer la main à sixeR après cette victoire, j'avais beaucoup de respect pour lui et le voir dans cet état m'incitait à essayer de lui remonter le moral. Après tout, il fallait bien que la roue tourne un jour. Contre emuLate, on avait moins de mal (même si les matchs étaient toujours très intenses). Mais le style de jeu développé par Oz (puis Geno) nous posait beaucoup plus de souci. Par conséquent, cette victoire représentait une forme de consécration pour nous. Un peu trop même. Durant toute la nuit, on a passé le temps à refaire la rencontre et à discuter de nos actions, à refaire le monde aussi ; on s'est couché seulement 2 heures avant la finale. Après le fameux « des enfants contre des adultes », on avait décidé de passer à « des zombies contre une vraie équipe ». Problème, la « vraie équipe » en question avait vraiment de l'allure. La première map va tourner à l'avantage des oXmoze (16-13 sur nuke), et malgré un score fleuve sur la seconde en notre faveur (16-5 sur dust2), notre sort sera scellé sur la troisième carte (inferno), de la même façon que l'année précédente face à emuLate (défaite 16-11). Le destin est cruel, Counter-Strike aussi.

Burn in Sweden

Au retour de la GA, l'équipe va prendre la décision de se séparer de heuka. Même si à mes yeux, Jérôme reste l'un des meilleurs leaders français sur Counter-Srike, heuka était parfois comme « prisonnier » de ses convictions. J'avais l'impression qu'on manquait d'intuitivité dans notre jeu, trop de choses étaient millimétrées. Sur la scène internationale, il fallait laisser libre cours à notre créativité sur l'instant-T pour surprendre nos adversaires, j'étais convaincu qu'on était trop « robotique ». Des années plus tard, il faut dire que Jérôme avait probablement raison, sans cette force collective, nous n'aurions jamais atteint un tel niveau.

Avec dafunk, le remplaçant de Jérôme, l'équipe va s'écrouler durant la NeXeN (à Lille) et à la Coupe de France, devenue les Masters du jeu vidéo, et délocalisée pour l'occasion dans les allées d'un magasin de la région parisienne. Une sacrée déception. Heureusement, on a vite corrigé cette erreur de jeunesse en reprenant heuka à la sortie de ces deux évènements ratés. En vérité, on se sentait tous très mal après l'avoir croisé durant la NeXeN. Notre équipe sans Jérôme, cela n'avait aucun sens.

La NeXeN 2010, jouée sans HeUkALyPtuS mais avec une jolie peluche

Malgré le retour de Jérôme, notre seconde DreamHack sera un nouvel échec. Avec notre composition officielle, on pensait pourtant avoir les cartes en main pour sortir des poules. Malheureusement, le tirage n'a pas été vraiment clément avec nous. Au menu, les deux finalistes du tournoi avec les danois de mTw (minet, trace, Sunde, ave et zonic), vainqueurs des SK-Gaming en 1/2 finale (Gux, RobbaN, walle, face et allen), et les surprenants H2K-Gaming, tombeurs à la surprise générale des fnatic en 1/4 de finale (THREAT, cArn, dsn, f0rest et GeT_RiGhT). Difficile de faire pire. Dans la mêlée, on s'en sort avec 1 victoire (16-2 face aux belges de Antwerp Aces), et surtout beaucoup de souvenirs en tête. 3 semaines plus tard, nous avons rendez-vous avec BURNING pour un dernier affrontement au sommet. Le plus important de notre histoire.

Bilbao, la fin du voyage

Annoncée comme victime expiatoire des EPS.fr (après avoir terminée 4ème de la saison régulière), l'équipe va finalement créer la sensation dans les couloirs de la Japan Expo. Le premier match, face à Mojawi (MaT, mSx, RiGo, loduN et P0My) est à l'image de notre saison. Une remontada digne des plus grands blockbusters hollywoodiens. Sur inferno, on parvient à inverser la tendance après avoir été mené 15-13 (victoire 21-19 au forceps). Sur dust2, notre meilleure map, l'équipe inscrit 17 rounds consécutifs (en comptant l'overtime) pour l'emporter sur le score de 21-15. Un modèle du genre. Asuka n'en croyait pas ses yeux : « L'un des plus beaux Bo3 de ma carrière de commentateur ». Pour nous, il est grand temps d'aller inscrire notre nom tout en haut de l'affiche.

Ce jour-là, je crois que BURNING n'avait aucune chance de l'emporter. Déjà, les joueurs étaient focalisés sur la Coupe du monde (qui se déroulait dans la même période à Disneyland Paris). De notre côté, on avait la sensation qu'il s'agissait de notre moment ; tout était parfait, on était vraiment appliqué et sérieux dans le jeu. Le 6 juillet 2010 devait être une date heureuse. C'était inévitable. Toutes ces finales perdues, ces multiples échecs aux portes d'un sacre national, combien d'équipes auraient abandonnée à notre place ? Il fallait absolument concrétiser cette persévérance par une victoire. En coulisses, la rumeur annonce des joueurs pas « très en forme » ou encore « la tête dans le cul ». Pourtant, le score sur la première map est sans appel en faveur des troupes de Geno : 16-5. D'une rare violence.

Sur nuke, la donne va rapidement s'inverser. Après un bon side CT, on arrive à mettre le gun round en terro et à dérouler pour revenir à 1-1 (victoire 16-6). Tout va donc se jouer sur dust2, à savoir notre meilleure map. C'était parfait. La foule était en délire, on avait vraiment l'impression que les gens voulaient voir aAa remporter cette finale.

Au bout du suspense, l'équipe s'impose finalement (16-13) sur le fil et s'adjuge son premier trophée majeur après deux saisons. Ce jour-là, j'ai eu du mal à retenir mes larmes. Cela peut paraître dérisoire, mais j'étais vraiment soulagé de pouvoir dire : « on l'a fait », « on a enfin réussi à gagner quelque chose. » C'était très important pour moi, comme pour toute l'équipe. Rejoindre goodgame, Millenium, emuLate ou encore atLanteam au panthéon des vainqueurs des EPS.fr, ce n'est pas rien.

Durant l'été qui suit, l'équipe va se rendre à Bilbao pour la GameGune. Dans ma tête, ça allait être Les bronzés jouent à Counter-Strike. On venait tout juste de remporter notre premier trophée (je n'avais absolument pas envie de regoûter à la compétition tout de suite). Ceci dit, l'ambiance était vraiment parfaite. Pour l'occasion, beaucoup d'équipes tricolores avaient fait le déplacement. ZaN était même venu avec adk (j'ai vraiment pris ce tournoi comme un jubilé). Pour ce qui est des résultats, on se fait ouvrir par fnatic au premier tour du winner bracket (16-7, sur train), avant de chuter lourdement contre les français de wCrea (les ex-Fair Frag, CosMo, Diodel, drizzer, HaRts et ioRek). Un modeste « Top 8 » sous le soleil du Pays basque, pas une mauvaise performance en soi, mais rien d'exceptionnel et aucun match à la saveur particulière. Un tournoi raté, mais de bonnes vacances tout de même.

Instanz, Stef, Chelxie et faculty à Bilbao, pour la GameGune

Au retour de la compétition, pour la seconde fois à l'issue d'une saison régulière, l'équipe décide de me remplacer. Même si j'ai bien vécu cette période (aux côtés de plusieurs gamers de la région parisienne, maLou, YiiKoN, IvY, kDj, moderatioN et NanOu notamment), j'avais encore l'impression qu'on me privait de quelque chose d'important. 10 jours plus tard, aAa annonçait la fermeture de sa section Counter-Strike. Souvent, les gens me demandent si j'ai des regrets d'avoir arrêté de jouer. En vérité, je n'ai que des souvenirs. CS m'a permis de voyager et d'apprendre beaucoup sur la vie de groupe, sur moi, sur les autres. Surtout sur moi. Est-ce que j'échangerais l'une de nos défaites ? Jamais, elles font partie de notre histoire, elles SONT notre histoire. De toute façon, la vie a toujours plus d'imagination que nous.

Depuis, RevZ a rejoint Toulouse et la famille s'est encore agrandie. BaaL est devenu Papa (son fils aura forcément des difficultés aux FPS, question de génétique). Une jolie blonde rythme notre quotidien, NinO vit à Malte (après avoir mis un terme à sa carrière de joueur de poker). Opi n'est jamais bien loin, bigfoot non plus. Dernier arrivé dans la bande, JaCkz espère devenir l'un des meilleurs joueurs au monde sur CS:GO, il fait partie de la « nouvelle génération ». Et quelque part, j'ai l'impression de retrouver mes 20 ans en le regardant à la poursuite de son rêve. Après tout, nous parlions seulement d'un jeu, n'est-ce pas ?

Palmarès

Avec eSport-Eu Avec aAa Avec don'Touch
 Ping-Arena #13
 Azerty Party #12
PxL #21
 ESL Pro Series VII
Gamers Assembly 2009
Atomic ReSo 2009
Silver Arena 2009
WCG.fr 2009
ESWC.fr 2009
5/6. PxL #20
7/8. GameGune 2009
8/16. DreamHack Summer 2009
ESL Pro Series VIII
Gamers Assembly 2010
Atomic ReSo 2010
5/8. NeXeN 2010
5/8. Masters des jeux vidéo 2010
7/8. GameGune 2010
8/16. DreamHack Summer 2010
Ping-Arena #11
5/8. Ping-Arena #12
5/8. Silver Arena 2008
9/12. WCG.fr 2008
12/16. ESWC.fr 2008

Un grand merci à Philippe Rodier, alias faculty, de nous avoir transmis ce texte. Son livre sort en octobre.
Merci également à Elnum pour la bannière.

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