Dernièrement, dans un très bon article, a été remis sur le devant de la scène les problématiques de visas pour les joueurs, ce qui donnent lieu à des stand-in improbables. Mais comment en arrive-t-on là pour des joueurs professionnels ? N’existe-t-il pas des solutions permettant à ces athlètes d’avoir des dérogations ? En effet, il est rare d’entendre un Paul Pogba ou un Roger Federer avoir de tels ennuis.
Une situation récurrente
Afin de se rendre compte de l’ampleur du problème dans l’esport et en particulier sur Counter-Strike, il suffit d’aller sur HLTV et de taper "visa" : une centaine d’articles apparaissent.
Récemment, le mix Benched Heroes a ainsi abandonné le RMR européen du Major brésilien, à Malte, à cause d’un joueur turc, Bugra "Calyx" Arkin, et d’un russe, Eugene "Aunkere" Karyat. Pour le second, la situation géopolitique explique le refus de visa mais pour le premier, c’est plus difficilement compréhensible, d’autant plus qu’il affirme que c’est la première fois que cela lui arrive.
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nexa avait lui été remplacé par kennyS pour les IEM Winter à Stockholm, fin 2021. Cette fois-ci, le refus de visa aurait fait suite à des difficultés concernant les formalités administratives.
Covid-19, paperasses nombreuses et complexes à remplir, géopolitique et relations entre États difficiles : les raisons expliquant pourquoi un nombre non négligeable de joueurs ont des difficultés à rejoindre leur équipe lors de tournois en lan s'avèrent variées. Les conséquences, en revanche, sont toujours les mêmes : les formations concernées doivent au mieux prendre des remplaçants, au pire déclarer forfait.
Ces situations vont également dépendre du pays hôte de la compétition et surtout de la reconnaissance de l’esport par celui-ci. Certains pays considèrent l’esport comme un sport, soit par leur ministère des Sports soit par leur Comité national olympique, ce qui peut faciliter l'obtention de visas pour les joueurs ; d’autres le reconnaissent par l’intermédiaire de leur ministère de la Culture ou encore de l’Éducation, ce qui entraîne des disparités dans les démarches à mener qui n’existent pas pour les sportifs traditionnels.
Aux États-Unis par exemple, c’est le département de l’immigation et de la citoyenneté qui est en charge de l’esport. Depuis 2013, il existe les mêmes avantages de visa pour les esportifs et sportifs professionnels dès lors qu'ils sont internationalement reconnus.
Autre exemple, la Suède, pays phare de l’esport, dans lequel la Fédération des sports a pourtant voté en 2021 afin de ne pas reconnaître l’esport comme un sport.
Le problème n’existe pas que chez les autres. En France, un joueur turc de League of Legends faisant partie de LDLC OL a été obligé de jouer à distance à cause d’un défaut d’obtention de visa.
Espace Schengen et contrats des joueurs
Certes, ces problématiques existent en France, mais il est important de préciser que cela concerne surtout les joueurs étrangers, non européens, faisant partie d’une équipe basée en France. En effet, l’espace Schengen permet la libre circulation des ressortissants de l’UE.
Une libre circulation dans quasiment toute l'Europe
Pour les personnes extérieures à cet espace, il faut, d’après Stéphan Euthine, directeur de LDLC OL, qui s'est exprimé à ce sujet dans les colonnes de L’Équipe, soit obtenir un visa tourisme (limité à 90 jours sur six mois), soit un visa travail, qui suppose d’avoir un contrat de travail. Or, contrairement aux sportifs de haut niveau, les esportifs ne sont généralement pas engagés via des contrats de travail. Comme déjà évoqué par VaKarM, le CDD esportif, mis en place en 2016, est considéré comme un échec et le choix des structures (et des joueurs) est plutôt de se tourner vers un contrat de prestation de services qui empêche alors l’obtention d’un visa travail.
Revenons sur le visa tourisme/séjour de tourisme. Celui-ci est applicable à l’ensemble de l’espace Schengen et permet de rester 90 jours, sur une période totale de 180 jours, pour les ressortissants étrangers à l’espace Schengen. Un joueur venant en Europe uniquement pour quelques compétitions dans l’année ne devrait donc pas avoir trop de soucis pour obtenir un visa tourisme, sauf s’il a déjà visité notre beau territoire pendant une longue période durant les mois précédents.
Et pourtant ! D’après plusieurs sources, les joueurs mongols de l’équipe The MongolZ ont connu quelques déboires dans l’obtention de leur visa pour venir jouer le Major parisien. Mais ces obstacles à leur venue sont plutôt dus à l’accumulation des déplacements qu’à une réelle problématique de visa. Afin de régler cela, des solutions "artisanales" existent, grâce notamment à des contacts privilégiés au sein du ministère de l’Économie et des Finances, qui règlent le problème en quelques emails.
La situation est bien différente pour un joueur faisant partie d’une équipe européenne et souhaitant effectuer des bootcamps en plus des (trop) nombreux tournois sur Counter-Strike. Il verra son quota de jours expirer rapidement et il sera alors dans l’obligation de jouer depuis son lieu de résidence.
Ni le projet de loi pour une République Numérique, ni la version finale de ce texte ne faisaient figurer des dispositions relatives à une simplification des visas pour les esportifs, alors que ce texte a pourtant adopté un certain nombre de mesures sur l’esport.
Des propositions mais une seule solution
Pourtant, le rapport concernant la pratique compétitive du jeu vidéo publié à cette période aborde le sujet : sa proposition n°9 est de "mettre en place une politique de visa adaptée pour les esportifs professionnels".
Le rapport met en lumière des solutions pour les joueurs et les structures mais la plupart de celles-ci, datées de 2016, se fondent sur des contrats de travail de type CDD ou CDI. Or, comme évoqué précédemment, les joueurs en France sont engagés via des contrats de prestation de services, et les solutions ne sont donc pas applicables à leur situation.
L’arrivée rocambolesque de Dragon (il nous semble) chez Millenium
Encore reste-t-il le passeport talent, évoqué par Jérome Durain et Rudy Salles. Prévu pour divers types de personnes, il permet d’obtenir une carte de séjour pour plusieurs années et d’exercer sur le territoire. L’article L. 421-21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit cette possibilité pour les sportifs de renommée nationale ou internationale.
Pour l’obtenir, le joueur doit fournir tout document de nature à établir sa notoriété, comme une reconnaissance par ses pairs, des participations à des championnats ou l’obtention de trophées. Néanmoins, sous l’angle du droit français, s1mple et ses petits copains ne sont pas considérés comme des sportifs et Stéphan Euthine relevait déjà cela dans l’article sur le même sujet paru dans L'Équipe.
C’est dans ce cadre que le 16 janvier dernier, les ministères des Sports, de la Transition numérique et de la Culture ont annoncé la future possibilité pour les esportifs de haut niveau de recourir au passeport talent. D’après nos sources, la circulaire permettant ce recours devrait être publiée très prochainement et ne concernerait donc que les séjours de plusieurs années.
Des annonces bientôt suivies d'effets ?
Il faut tout de même noter que ce mécanisme ne sera applicable qu’aux grands joueurs (au cas par cas). Les joueurs jouissant d’une renommée modérée se heurteront aux mêmes difficultés qu’actuellement.
Dans la situation actuelle, les joueurs étrangers non européens n’ont donc pas de solution miracle en matière de visa pour travailler sur le sol français mais en dehors de conflit géopolitique ou de pandémie, leur venue pour disputer une compétition n’engendre pas de difficultés.
Un faux problème ?
La venue des joueurs pour des compétitions en France n’est donc pas un vrai problème. Néanmoins, selon certains, l’instauration d’un visa simplifié pour les séjours de courte durée permettrait un meilleur développement des compétitions sur le territoire, même si cela n’enlèvera rien au coût (très) élevé d’une organisation en France.
Et concernant le passeport talent, c’est-à-dire les visas de plusieurs années ? Est-ce que les joueurs viendraient réellement s’installer en France s’ils en avaient la possibilité, via un visa ou un autre mécanisme simplifié ? Trois raisons font que la réponse est probablement négative :
D’un point de vue humain, l’esport permet de s’entraîner à distance et d’éviter l’éloignement avec ses proches ; le confinement nous l’a prouvé.
Aussi, spécifiquement sur CS, les bootcamps pour les équipes professionnelles semblent ne plus être un passage obligé du fait du rythme effréné, selon apEX, le capitaine de Vitality.
Enfin, et c’est sûrement le point le plus important, il ne faut pas oublier le niveau d’imposition français élevé, qui peut dissuader plus d’un joueur de devenir résident français et d’être alors contraint de payer davantage d'impôts que dans d'autres pays.
Néanmoins, le passeport talent devrait tout de même être utile pour certaines équipes qui sont demandeuses de ce mécanisme, notamment en Ligue française de League of Legends (LFL), d’après les dires de Désiré Koussawo, président de France Esports. Les prochaines années permettront d’apprécier l’utilité du dispositif, mais dans tous les cas, c’est une option supplémentaire donnée aux joueurs/équipes et un pas de plus vers la reconnaissance et la structuration de l’esport en France comme l'a souligné Fabien "Neo" Devide, président de Vitality.
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