Lundi 31 juillet, avant que GamerLegion n'affronte fnatic dans les groupes des IEM Cologne, nous avons retrouvé Julian Miculcy à l'hôtel des joueurs pour en savoir un peu plus sur cette structure et sur sa vie dans le subtop. De son rôle de Directeur Esport, il a ainsi abordé l'aventure de ce roster avec siuhy et iM, débutée par une qualification pour le RMR à Malte et terminée sur une finale du BLAST Paris Major, avant que n'arrivent les transferts que nous avons suivis cet été.
Comme il y a quelques mois avec l'interview de son ancien coéquipier, Alexandre "bodyy" Pianaro, nous avons décidé de vous proposer différents formats afin que ce contenu corresponde au plus grand nombre d'entre-vous. Ci-dessous, vous devriez donc trouver chaussure à votre pied, que ce soit avec la version écrite ou vidéo.
Une interview également disponible sur : |
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Pour ceux qui préfèrent le visuel à l'écrit, et ont envie de découvrir Julian Miculcy en images. |
Pour revenir sur cette entrevue d'environ 18 minutes, débutons par l'habituel sommaire afin de suivre plus facilement le fil des sujets abordés, de l'aventure avec ce cinq qui a été jusqu'en finale du BLAST Paris Major aux changements estivaux et aux nouveaux objectifs fixés par la structure.
I. Présentation de Julian et GamerLegion.
Simple, basique, mais nécessaire tant peu de lecteurs doivent le connaître, nous avons débuté cette interview avec une présentation de Julian Miculcy, Directeur Esport de GamerLegion, et de la structure en elle-même.
Pour débuter, est-ce que tu peux te présenter ? Et que fais-tu chez GamerLegion ? Je suis Julian Miculcy, j'ai 34 ans. Je suis Directeur Esport, donc je suis manager de toutes les équipes esport chez GamerLegion. Peux-tu présenter GamerLegion ? Ou peut-être, votre identité de base, et ce que vous souhaitez devenir par la suite. Au début, on a débuté comme toutes les organisations esport. On avait plusieurs équipes, Rainbow Six Siege, Fortnite, Rocket League, FIFA et tout ça. Et en ce moment, on est en transition, on se focalise sur Counter-Strike, avec évidement l'année dernière qui était spectaculaire et un gros succès. On a aussi d'autre équipes avec Age of Empire, League of Legends, des joueurs Tekken, donc on a encore d'autres jeux, mais on se concentre sur Counter-Strike. |
II. Un roster qui pousse les portes du Major.
Avec Ex6TenZ et ScreaM qui ont passé quelques mois chez GamerLegion à la fin de leur carrière CS:GO, on connaissait évidemment déjà cette structure du subtop qui a connu une magnifique ascension à l'été 2022, en recrutant un cinq dont elle n'aurait jamais pu espérer autant en termes de résultats.
En parlant de Counter-Strike, il y a quelques mois vous avez atteint la finale du BLAST Paris Major, mais quand je t'ai croisé après la finale, tu étais un peu triste, évidement.. et quelques heures plus tard, tu as un peu mieux réalisé que vous aviez accompli. Donc, comment te sens-tu maintenant ? En fait, je suis toujours un peu triste. D'habitude je regarde toujours une seconde fois nos matchs, mais là je n'ai toujours pas revu la finale. Évidemment, en y pensant maintenant, c'est un magnifique accomplissement. Je n'ai pas cru, même dans mes rêves, pouvoir atteindre ça. Mais, en vrai, quand tu joues une finale, tu veux la gagner, tu es là pour gagner cette finale. Ce n'est pas "est-ce que je rentre chez moi aujourd'hui ?", "c'est quoi la prochaine étape?", non, c'est la finale et c'était le dernier Major CS:GO. Ç'aurait été quelque chose, mais maintenant je peux dire que c'est un bel accomplissement. Aussi, je pense qu'avec ça il y avait les deux semaines et demi de stress permanent et de déplacements, à faire attention aux joueurs, tous ces petits trucs, et puis, d'un coup, la finale est terminée et tout retombe. Je pense que c'est pour ça que j'étais très émotif mais maintenant, je peux dire que c'était incroyable. |
Avant le Major, on savait déjà qu'on allait probablement perdre un joueur. Avec notre succès, j'ai beaucoup parlé avec ashhh, on préparait nos plans B, C, avec des genres de listes de qui on voulait, qui collerait bien. |
Et avec ce roster, ça a commencé en 2022 avant le RMR à Malte pour les qualifications. A ce moment, t'attendais-tu à une aventure pareille, avec le premier Major à Rio et puis celui à Paris ? Le premier Major était une surprise incroyable. On était dans les dernières qualifications en ligne, on a essayé avec Keoz, voir s'il matchait avec le roster et on a passé le RMR, on s'est dit "on devrait garder ce roster". Puis on y est allé, juste pour le fun, pour voir ce que ça donnait, en faisant de notre mieux et on a atteint Rio, tout le monde était surpris. Un joueur comme acoR, qui a déjà participé à un Major a dit "on est déjà de retour, je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi rapidement". Puis, après Rio, je sentais qu'on serait capable d'aller au Major suivant. J'étais très confiant, on ne pouvait que s'améliorer à partir de là. Parce que, quand tu atteins quelque chose aussi vite avec un nouvelle équipe, il sont évidemment très... Enfin, tous ces moments où ils doutent, "Est-ce que c'est la bonne équipe, les bon joueurs", ça se dissipe, puisqu'en deux mois t'es déjà en Major. Tout le monde croit en l'équipe et travaille dur, mais qu'on termine en finale, c'est quelque chose d'autre, l'objectif initial était d'aller au Legends Stage. Je n'y croyais pas trop, mais après le Major à Rio, j'ai su qu'on pouvait en faire un autre, qu'on aurait des bonnes chances d'arriver en Legends Stage, le reste était évidement surprenant. |
III. La vie de tous les jours.
Structure du subtop, GamerLegion a dû se construire autour de valeurs qu'elle estimait lui correpondre afin d'essayer de construire quelque chose de cohérent pour grandir en parallèle de toutes les autres équipes présentes en Europe et dans le reste du monde. Son choix ? L'humain avant même la performance, pouvoir compter sur un cinq et un staff partageant ces mêmes valeurs avant d'attaquer cette longue et fatigante route du grind.
Depuis Malte, je t'ai vu quelque fois avec l'équipe, même tout le temps. Est-ce important de construire un lien hors du jeu, des relations sur le plan humain ? Pendant son interview, Keoz a parlé de ashhh, qui fait des réunions avec les nouveaux joueurs pour voir si les nouveaux peuvent s'intégrer dans l'équipe, est-ce important d'avoir ça ? Oui, je pense que, d'un coté tu peux avoir de très bon joueurs, qui peuvent travailler, bien viser ou peu importe mais s'ils ne peuvent pas fonctionner en équipe, tu auras toujours des problèmes contre les équipes du top. Si tu joues contre Vitality, peu importe que tu aies cinq joueurs qui visent particulièrement bien, tu as besoin de team play, sinon tu cours à la catastrophe. Je pense que, la raison pour laquelle on est arrivés en finale, c'est que tout le monde voulait jouer ensemble, atteindre la finale. Tout le monde était dans le même état d'esprit, si mon pote meurt, je le revenge, et refrag, et faire ci ou ça. Si quelqu'un n'est pas dans la game, quelqu'un d'autre va step up pour lui, je pense que c'est très important. Évidemment, les autres équipes ont d'autres approches, qui peuvent aussi marcher, mais pour nous, c'est avoir une bonne atmosphère dans l'équipe, avoir un bon environnement d'équipe. Je pense que l'année dernière nous a confirmé ça. Le ticket pour Rio, première surprise pour ce roster Et pour une équipe comme vous, dans le subtop, qui n'a pas beaucoup de victoires. J'ai vu qu'avant le RMR à Malte la dernière victoire était en mai 2021, avec une ESEA Cash Cup, donc une petite compétition et en plus cela datait. Donc, qu'elle est la vie de tous les jours pour une structure subtop comme vous ? Avant, c'était grind les tournois CCT, nord, sud, est, centre, tous. Pour améliorer notre rang au classement mondial, pour être invités dans de meilleurs tournois, tout en ayant cet état d'esprit, de s'améliorer encore et encore. Évidement, maintenant, on a les RMR, les Major, mais on sait aussi comment s'y rendre et comment y participer. Ce qu'on doit faire en tant qu'équipe, c'est s'y rendre fréquemment, mais ça demandera toujours du travail. Si tu n'as pas d'invitation, ce sera toujours difficile et si tu sous-performes pendant deux mois, par exemple, tu peux sortir du Top 30, et là t'as un problème pour y revenir. Je pense qu'avec Monte, nous avons montré, au début de cette année, lorsqu'on a joué quasiment tous les CCT. On était ceux avec le plus de cartes jouées, on s'est arrêtés à un moment mais Monte a continué à grind, je crois qu'ils ont joué quelque chose comme 186 cartes alors que MOUZ était à 40. Quand tu n'as pas les slots de partenaires, tu dois être conscient de ça et être prêt à travailler encore plus fort. Ca ne doit pas être un problème de jouer 3 CCT dans la même semaine, il faut juste grinder pour gagner des points, gagner des places et être invité dans les tournois. |
IV. Une équipe destinée à perdre des joueurs.
À l'instar de la chaîne alimentaire où les gros poissons se nourrissent des plus petits, les organisations du standing de GamerLegion doivent faire face aux organisations majeures de la scène, qui n'hésitent pas, au moment d'apporter des changements à leur cinq, à venir piocher chez les premières leurs meilleurs éléments, rendant ainsi l'ascension vers le Top mondial encore plus compliquée à tenir sur la durée.
Tu parlais de Monte, et je pense qu'avec ton expérience où des joueurs comme hampus et nawwk sont partis chez NIP ou mezii chez Cloud9, tu sais que si ton équipe marche bien, tu vas perdre des joueurs. Même en le sachant, est-ce que c'est difficile ? C'est encore arrivé avec iM et siuhy. C'est sûr que ça aurait pu être plus facile, mais je pense que notre équipe est destinée à ça, atteindre un certain niveau, puis que les grosses structures viennent pour prendre notre meilleur joueur. Donc on doit toujours revenir à ce niveau, et à un moment on va dépasser ce niveau et y rester pour de bon. Cela permettra aux joueurs de rester avec nous. Parce que, si t'es Top 10 ou Top 15, tu reçois des invitations pour les événements partenaires, donc on n'aurait pas besoin d'être partenaires pour être dans ces ligues et on pourrait donner un futur à nos joueurs. Ça commence à arriver, on est dans toutes les ligues et les tournois viennent vers nous, on peut aussi montrer aux joueurs ce qu'on a fait dans le passé. Je pense que c'est la bonne stratégie. Bien sûr, on essaie aussi de rejoindre les ligues partenaires, de voir si c'est possible. On regarde ce qu'on doit faire pour construire ça pour, un jour, peut-être, être dans ces ligues. Ça répond un peu à la prochaine question que je souhaitais poser à propos des classements. |
Je pense que, la raison pour laquelle on est arrivés en finale, c'est que tout le monde voulait jouer ensemble. |
Donc, ensuite, je voulais te demander si vous aviez vendu iM et siuhy à NAVI et MOUZ, sans me donner un montant ? Tout ce que je peux dire, c'est que quand tu perds tes deux joueurs les plus impactants... Quand on réfléchit aux meilleurs jeunes, siuhy était évidemment le meilleur IGL, à son âge, il n'y a aucun IGL comparable. Puis iM, qui est aussi très jeune, un fragger incroyable, il a beaucoup de potentiel, je ne sais pas si ça va marcher avec NAVI mais je lui souhaite le meilleur. Tout ce que je peux dire c'est qu'on a reçu de l'argent, mais je ne peux pas vous dire combien. Ce n'était pas une question pour faire du clic, c'était surtout pour introduire la suivante. Quand tu vends un joueur comme ça, est-ce que ça aide l'organisation à rester à ce niveau, à construire quelque chose en recrutant des meilleurs joueurs et gardant les autres ? C'est une question compliquée. Imagine, tu reçois 1 million pour un joueur, peu importe qui, ça permet de payer beaucoup de choses, d'acheter des nouveaux joueurs, mais il faut aussi penser à ce que t'as accompli. On a fait Top 2 au Major, on a perdu deux joueurs, donc on doit en recruter deux nouveaux. C'est un processus qui est long, pour s'assurer que l'équipe continue à fonctionner, parce que tu espères maintenir le même niveau, le même potentiel. Donc, en fait, le million, il t'achète du temps, le temps de ramener ton équipe au niveau où elle était. Si t'es NAVI ou FaZe c'est facile, tu achètes les meilleurs joueurs et tu les intègres immédiatement, ils ont juste à jouer leur jeu. Notre philosophie c'est toujours de prendre notre temps, de grandir ensemble pour s'améliorer. Par exemple, à Cologne, on est contents d'être là mais on ne s'attend à rien de la part de l'équipe, on s'est dit si on gagne un match, ça sera bien pour nous. Donc, en un sens, ça aide parce que c'est de l'argent, mais c'est aussi difficile parce que c'est du temps perdu. |
V. Remplacer tout en continuant à grandir.
Performer et réussir à atteindre un certain rang mondial n'est pas gage de longévité à ce niveau pour une structure comme GamerLegion. Comme on l'a dit plus haut, la perte des meilleurs éléments est une étape par laquelle ces organisations doivent passer, devant ensuite inévitablement s'atteler à les remplacer par des joueurs souvent moins expérimentés et pas encore à leur plein potentiel, avec, forcément, le risque de redescendre dans le classement mondial.
Une équipe du subtop comme la votre sait qu'elle va perdre des joueurs si elle a de bons résultats, aviez-vous une shortlist pour vous y préparer ? Comment tu travailles avec ashhh (coach) sur ce point ? Avant le Major, on savait déjà qu'on allait probablement perdre un joueur. Avec notre succès, j'ai beaucoup parlé avec ashhh, on préparait nos plans B, C, avec des genres de listes de qui on voulait, qui collerait bien. On a aussi parlé aux joueurs, parce que ce n'était pas clair s'ils allaient vraiment partir ou pas, ça a été un peu le bordel à la fin. C'est difficile de perdre siuhy et iM, parce que leurs remplaçants vont se dire qu'ils doivent les remplacer, que tout le monde va les comparer à eux. Si je suis pas bon, tout le monde va dire que je suis moins bon que siuhy, que je fais baisser le niveau, que ça ne marche pas. Pareil pour iM, on a cherché son remplaçant, les gens peuvent dire "iM aurait déjà 20 frags, tu n'en as que 15", ce genre de choses. Donc il faut trouver des joueurs qui n'aient pas peur de remplacer ce genre de prédécesseurs, qui sont prêts à tout donner. Donc, oui, on était en contact permanent (avec ashhh), à propos des joueurs intéressants, des transferts possibles. Est-ce qu'ils étaient libres, est-ce qu'ils voulaient venir ? Quand le mercato s'est ouvert, je pense qu'on se parlait tous les jours au moins cinq heures, on s'échangeait des noms, je contactais des agents, des joueurs. Si on pense au reste de l'année avec ce nouveau cinq, quels sont vos objectifs, où est-ce que vous voulez être à la fin de l'année ? Est-ce que vous vous êtes fixés des buts pour les Thunderpick, l'ESL Pro League ou encore l'Elisa, ce genre d'événements ? Quand on participe à un événement, mon objectif est toujours de gagner, sinon ça ne sert à rien de jouer. Si on est encore Top 20 à la fin de l'année, ce sera bien. C'est là qu'on doit être. On a aussi beaucoup d'options avec les tournois que nous allons jouer. On a montré à tout le monde que ce n'était pas une baisse de niveau, qu'on était capable de mettre en valeur nos joueurs, de les rendre meilleurs en équipe. Je pense que le Top 20 devrait être notre objectif. La vie sans ces deux-là, il va falloir s'y faire et performer à nouveau pour GamerLegion Ça me fait penser à une autre question, on parle tout le temps du Major et des stickers, est-ce que c'est l'objectif pour une structure comme la votre au début de l'année ? Avant on n'a jamais eu les stickers, l'an dernier ça a été la première fois. On essaie de faire du mieux qu'on peut sur CS malgré le nombre élevé d'équipes en face, on a eu pas mal de succès. C'est sûr que le Major aide pour beaucoup de choses, mais si je pense à une équipe comme CPH Flames, ils ont joué deux Majors et ils ont dû fermer. On n'a pas la même perspective. Forcément ça ne nous dérangerait pas financièrement, mais c'est plutôt le succès en lui-même qui nous intéresse. On veut continuer sur cette lancée en Major, surtout avec le Major CS2 qui arrive. Donc c'est plutôt dans cette optique que ça nous ferait mal de ne plus y être, plus que financièrement. Merci à toi, c'était très intéressant, est-ce que t'as un dernier mot sur votre parcours et votre organisation ? Ça a été une super année, on a eu de l'exposition dans les médias, on a travaillé avec plein de personnes, je pense qu'on a gagné plein de fans grâce à notre parcours surprise. Donc je veux juste remercier tout le monde dans l'écosystème de CS. Ils nous ont bien accueilli et maintenant tout le monde est enjoué quand il se passe quelque chose chez nous. Pour l'avenir, sachez que j'ai lu les commentaires sur HLTV, avec tout le monde qui dit qu'on va retomber Top 40, qu'on est mauvais, qu'on n'a pas fait les bons choix. Mais peu importe ce que tout le monde dit, on veut toujours être au top, tout le monde dans l'équipe travaille très dur pour rester où on est et je suis certain qu'on sera là à la fin de l'année et dans les années à venir. |
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